Israël a trouvé un moyen facile et bon marché de
se débarrasser de ses déchets, dont beaucoup sont dangereux :
déchargez-les en Cisjordanie.
Quelques Palestiniens peuvent être
achetés, les autres ne sont pas en position de se plaindre.
« Cela fait des années qu’Israël déverse ses déchets, y compris les
déchets dangereux et toxiques, en Cisjordanie, parce que c’est une
alternative plus facile et moins coûteuse que de les traiter
correctement en Israël, dans des sites de gestion appropriés, » dit
Jamil Mtoor, directeur-adjoint de l’Autorité de l’Environnement
palestinien (PEA) à IPS.
Jayyous, la décharge publique des colonies illégales sur la terre du village (photo Stop the wall)
Shuqbah, village de 5.000 habitants, est situé près de la frontière
d’Israël avec la Cisjordanie, non loin de Ramallah. C’est sur le
terrain d’un intermédiaire palestinien du village que les compagnies
israéliennes déversent des tonnes de détritus, pour à peine 30$ la
tonne, pour à peine 30$ la tonne, beaucoup moins cher que le
déversement dans des décharges israéliennes.
« Les compagnies israéliennes déversent ici des déchets solides et dangereux depuis plusieurs années, » dit Mtoor.
« La combustion des déchets toxiques, y compris des articles
comme des radiographiques, libère dans l'environnement des éléments
cancérigènes qui affectent la population, beaucoup de personnes
développent de l'asthme et des maladies liées à ces éléments. »
Les Israéliens ont enseveli les carcasses de milliers de poulets
infectés du virus de la grippe aviaire près de Naplouse, en Cisjordanie
du nord, dit Mtoor.
Le PEA a aussi découvert 500 barils d'insecticide à
Hébron, au sud.
Là aussi, un intermédiaire palestinien avait été payé
pour accepter les barils sur sa propriété.
Tandis que l’Autorité palestinienne a arrêté les individus impliqués et
saisi la justice contre plusieurs d’entre eux, il est difficile
d’amener les Palestiniens qui coopèrent avec les compagnies
israéliennes à rendre des comptes.
« Les Israéliens profitent d’individus extrêmement pauvres,
avec des familles nombreuses à charge et des ressources limitées, dans
une société où le taux de chômage est très élevé, » dit Mtoor.
Israël exerce un contrôle total sur plus de 40% de la Cisjordanie. Le
Territoire est divisé en zones A, B et C. Seule la zone A est sous
contrôle de l’Autorité Palestinienne. La zone B est placée sous
juridiction israélienne et en partie palestinienne, alors que la zone C
est contrôlée par Israël. (1)
« Beaucoup des intermédiaires palestiniens sont protégés par
les Israéliens. Si nous voulons les poursuivre, nous devons obtenir les
permis israéliens adéquats pour entrer en zones B et C, et ils nous
sont souvent refusés, ou il faut un temps fou pour les obtenir, » dit Mtoor.
« De plus, c’est difficile de recenser les nombreuses
décharges utilisées par les Israéliens parce que le déversement des
déchets est fait soit ouvertement, soit en cachette, quelquefois la
nuit. Les lieux utilisés varient, et les Israéliens recouvrent les
sites après coup. »
Les colonies illégales israéliennes déversent régulièrement des déchets
et des eaux usées dans les rivières et sources de la Cisjordanie.
L’ARIJ (Applied Research Institute Jerusalem) dit dans un rapport que «
les eaux usées venant des colonies ne consistent pas seulement en
effluents domestiques mais il y a aussi des pesticides, de l’amiante,
des piles, du ciment et de l’aluminium – qui contiennent des composés
cancérigènes et dangereux. »
Comme Israël exproprie approximativement 87 % de l'aquifère souterrain
de la Cisjordanie, avec 2.5 millions de Palestiniens survivant sur ce
qui reste, la menace à la santé des Israéliens et des Palestiniens est
réelle.
« Les colons israéliens consomment jusqu’à 200l d’eau par jour
et par personne, alors que le Palestiniens de Cisjordanie survivent
avec 30-60l par jour et par personne, » dit Mtoor à IPS.
L’Association Les Amis de La terre – Moyen Orient (Friends of the Earth Middle East-FoEME), groupe israélien, palestinien et jordanien pour l’environnement, a
sorti un rapport d’enquête il y a quelques années appelé : « Une bombe à retardement en sous-sol, la pollution de l’aquifère de montagne par les déchets solides ».
Selon le rapport de FoEME, le déversement non viable de déchets solides
a abouti à la percolation de substances toxiques incluant le chlore,
l'arsenic et des métaux lourds comme le cadmium, le mercure et le plomb
dans les nappes phréatiques.
“La menace sur l’eau potable demeure à ce jour,” dit Miri Epstein, porte-parole de FoEME à IPS.
Les sociétés israéliennes produisant des produits potentiellement
dangereux ont été délocalisées de l'intérieur de la Ligne Verte aux
Territoires palestiniens pour contourner les lois sur l'environnement
strictes qui contrôlent les opérations en Israël.
La société de pesticides israélienne Geshuri a été obligée de mettre un
terme à ses opérations à Kfar Sava en Israël en 1985 et les a transféré à Tulkarem, dans le nord de la Cisjordanie, suite à une décision judiciaire en
réponse à une pétition des résidants israéliens qui ont accusé la
société d’une augmentation de problèmes de santé liés à la pollution.
La communauté internationale et des ONG ont essayé d'améliorer la
situation. Le gouvernement allemand a construit un nouveau projet
d'élimination des déchets solides près de Ramallah, tandis que la
Banque mondiale et la Commission européenne, l’organe exécutif de l'UE,
a construit une usine pour les déchets solides près de Jenin, au nord
de la Cisjordanie.
« Nous
bénéficions de la sympathie de la communauté internationale, mais la
situation ne sera pas résolue sans une solution politique au conflit
israélo-palestinien, » dit Mtoor.
Le Comité d’Experts Environnementaux Palestinien et Israélien, établi
conformément aux Accords d'Oslo, ne s'est pas réuni depuis 1999 et il
n’y a aucune coordination sur les déchets solides.
La Bande de Gaza fait maintenant face à un désastre environnemental
après la guerre dévastatrice d'Israël contre le territoire côtier au
début de l'année, qui a tué 1,400 Palestiniens, pour la plupart des
civils et a blessé environ 5.000 autres.
"La situation environnementale dans la Bande de Gaza est
extrêmement grave et c'est notre priorité d'examiner les défis
environnementaux et les priorités de réhabilitation," dit à IPS Achim Steiner, sous-secrétaire général des Nations Unies et Directeur du programme des Nations Unies pour l'Environnement (UNEP).
Steiner a effectué récemment une visite de la Bande de Gaza et
de la Cisjordanie, au cours de laquelle il a rencontré des
fonctionnaires palestiniens et le personnel de l’ONU pour évaluer la
situation dans les enclaves palestiniennes - la Bande de Gaza et la
Cisjordanie.
L’UNEP doit envoyer une équipe de huit experts dans la Bande de Gaza ce
mois-ci pour examiner, entre autres, les retombées environnementales de
l'utilisation par Israël d'armes illégales comme le phosphore blanc.
L'équipe est composée de spécialistes de l’eau et de la gestion des
eaux usées, de l’amiante et du contrôle des déchets dangereux, de
l’évaluation environnementale côtière et marine et de l'évaluation
institutionnelle et économique.
« La situation avant la guerre était déjà grave en raison de
l'infrastructure inadéquate de Gaza et de l’impossibilité de réparer
les usines de traitement des déchets et de l’eau, » dit Achim à IPS. Et aujourd’hui, c’est bien pire.
L'embargo d'Israël a bloqué les approvisionnements en matériaux de
construction nécessaires à la réparation de l'infrastructure décimée de
la Bande de Gaza et en quantités suffisantes de carburant nécessaires
au fonctionnement des usines de traitement de l’eau et des déchets.
« Les déchets dangereux et les déchets hospitaliers restent
non traités. Les eaux usées non traitées ont été envoyées dans la mer,
elles se sont infiltrées dans la nappe phréatique et les ressources en
eau potable de Gaza, créant une menace potentielle à la santé, » dit Steiner.
L'armée israélienne a installé plus de 600 points de contrôle et
barrages routiers partout en Cisjordanie, restreignant sévèrement le
mouvement et empêchant les camions-citernes collectant les eaux usées
d’atteindre beaucoup de villages et villes.
« A cause des bouclages et des barrages routiers en
Cisjordanie, les Palestiniens n'ont pas un accès suffisant aux
décharges publiques ni la capacité de traiter correctement leurs
déchets, » dit Steiner à IPS.
Notes ISM :
(1) Les accords d’Oslo ont divisé la Cisjordanie en trois
zones, signant de fait l’enfermement des Palestiniens dans des enclaves
entourées de colonies et de «routes de contournement», derrière des
frontières (avec Israël, la Jordanie et l’Egypte) entièrement
contrôlées par l’Etat occupant.
La zone A, soi-disant sous total contrôle de l’Autorité
palestinienne, a été prestement ré-envahie sous prétexte de Deuxième
Intifada, en 2000. Il s’agit des grandes villes de Cisjordanie, Jénine,
Qalqilya, Tulkarem, Naplouse, Ramallah, Bethléem.
La ville d’Hébron s’est vue attribuer un statut spécial. Elle est divisée en deux zones :
- zone H1, où l’Autorité palestinienne est supposée
exercer les pouvoirs civils et de police tandis que les autorités
israéliennes conservent la « sécurité » des colons qui y vivent.
- zone H2 – le centre ville, qui abrite 20.000
Palestiniens, 400 colons parmi les plus extrémistes ainsi que les
environ 2.000 soldats chargés de les protéger – est sous contrôle
israélien.
La zone B est supposée être sous contrôle de l’Autorité
palestinienne en ce qui concerne les affaires civiles, et sous contrôle
israélo-palestinien pour la « sécurité ». C’est là que se retrouvent la
majorité des villes, villages et camps de réfugiés palestiniens. Les
terres et les zones constructibles qui dépendent des villages se
retrouvent en zone C.
La zone C, qui représente 70% de la Cisjordanie, comprend
notamment les colonies, les installations militaires, les terres
domaniales, les routes. Elle est sous total contrôle israélien.
Source : ISM-France