Les 167 Etats membres de l'Organisation maritime internationale (OMI) ont adopté, vendredi 15 mai à Hongkong, la première convention internationale sur le démantèlement des navires de commerce en fin de vie.
Ce texte, négocié depuis cinq ans, vise à améliorer les conditions de travail et le respect de l'environnement sur les chantiers de démantèlement asiatiques, où finit une grande partie des bâtiments, qui y sont désossés avant revente de leur acier.
La déconstruction des navires, qui contiennent des matériaux toxiques (amiante, produits chlorés, métaux lourds, résidus d'hydrocarbures, solvants) a lieu sur la plage (méthode du " beaching"), sans protection des travailleurs et de l'environnement.
Les organisations non gouvernementales (ONG) dénoncent depuis plusieurs années les morts et les maladies causées par ces conditions de travail "indignes".
C'est dans l'un de ces chantiers, à Alang en Inde, que le gouvernement français voulait envoyer l'ancien porte-avions Clemenceau, en février 2006 (après désamiantage partiel), avant de devoir renoncer à ce projet.
La convention de Bâle, qui vise à réduire les mouvements transfrontaliers de déchets dangereux vers les pays en développement, et à contrôler les conditions de leur traitement, est censée s'appliquer aux navires. Mais elle se retrouve en contradiction avec le principe de liberté de circulation en mer.
Le texte s'applique donc pour les transferts terrestres, les Etats exportateurs de déchets étant plus facilement identifiables.
"La situation actuelle ne peut pas durer. On sait qu'on ne peut pas avancer avec la convention de Bâle", explique Claude Wohrer, chef de la délégation française à Hongkong.
La nouvelle convention introduit plusieurs obligations. Les navires anciens immatriculés dans un Etat signataire seront dotés d'un inventaire des matières dangereuses à bord et de leur localisation.
L'utilisation de plusieurs substances toxiques sera interdite dans la construction des navires neufs.
Ces bateaux devront être démantelés dans des Etats signataires de la convention, qui seront eux-mêmes dans l'obligation de certifier les chantiers, et de valider un "plan de démantèlement".
Si le chantier retenu n'a pas les capacités de traiter certains toxiques, un autre site devra être choisi. Une série de mesures seront à respecter dans les chantiers (prévention des accidents, équipements des ouvriers, récupération et stockage des déchets, etc.).
Les ONG rassemblées dans une "Plate-forme sur le démantèlement des navires", présentes à Hongkong, ont dénoncé "un grand recul".
Selon elles, la convention "légalise l'exportation de navires toxiques en fin de vie vers des pays en développement sans dépollution préalable", et protège donc moins ces pays que la convention de Bâle. Elles réclament l'interdiction pure et simple du "beaching".
Selon elles, les exigences de la nouvelle convention sont minimales, et reposent uniquement sur le bon vouloir des Etats du pavillon (où sont immatriculés les navires) et des Etats "recycleurs".
Autre point de controverse : la date d'entrée en vigueur de la convention. Les conditions sont en effet "élevées", reconnaît Nikos Mikelis, chargé du recyclage des navires à l'OMI.
La ratification de quinze Etats au minimum est requise, et les pays signataires devront représenter au moins 40 % de la flotte mondiale, et 3 % des capacités de démantèlement.
Le Danemark, l'Allemagne, et la France sont parmi les pays qui ont oeuvré en faveur de l'adoption du texte. "Cette convention est perfectible, mais représente un grand pas dans la bonne direction", affirme Mme Wohrer.
La Norvège, la Chine, la Turquie y sont aussi favorables et pourraient la ratifier rapidement. En revanche, les Etats réputés être des pavillons de complaisance (Liberia, Panama, Bermudes...) y sont hostiles. Personne ne risque de pronostic précis, mais l'entrée en vigueur ne devrait pas intervenir avant plusieurs années.
Or, depuis quelques mois, le rythme de démantèlement progresse car la crise rend peu rentable l'exploitation des navires.
Alors que le nombre de bateaux envoyés à la casse oscillait jusqu'en 2008 entre 200 et 600 par an, il a atteint 470 depuis le début 2009.
L'Inde, le Bangladesh et le Pakistan restent les grands Etats "recycleurs".
Mais la Chine, où les conditions de démantèlement sont meilleures - les opérations ayant lieu dans des chantiers navals et non sur la plage -, revient sur ce marché. En outre, les conditions de travail s'amélioreraient en Inde, selon plusieurs observateurs.
Les ONG réfutent ce diagnostic, et affirment que l'accès aux chantiers de démolition leur est devenu quasi impossible.
Source : Le Monde
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