En exploitant, dès les années ‘60, les richesses gazières et
pétrolières de la mer du Nord, l’Europe s’est déjà forgé une solide expérience
des plates-formes en mer.
Elle l’enrichit encore avec le projet DOWNVInD –
Distant Offshore Windfarms with No Visual Impact in Deepwater – qui s’attaque à
une ressource inépuisable, celle-là: le vent du large, puissant et régulier.
Des
éoliennes de 126 mètres... quasi invisible.
Selon les dernières estimations de l’Association européenne de
l’énergie éolienne (EWEA), fin 2007, un quart des besoins
énergétiques de l’Union européenne seraient satisfaits si 5% de la surface
totale de la mer du Nord étaient exploités avec des éoliennes .
Nous sommes
cependant bien loin de ces proportions.
Seuls cinq pays utilisent actuellement
l’énergie éolienne offshore : le Danemark, l’Irlande, les Pays-Bas, le
Royaume-Uni, et la Suède.
À la fin de l’année 2006, leurs 900 MW cumulés ne
représentaient que 3,3% de la seule production éolienne de l’Union.
Aujourd’hui, leurs 25 exploitations marines produisent 1100 mégawatts.
Le
constat est clair. Les ressources de l’éolien offshore sont à peine
exploitées.
Mais le 10 décembre dernier, le gouvernement britannique annonce à grand bruit
le lancement d’un plan national destiné à fournir, d’ici 2020, 33 GW – soit 33
000 MW – d’électricité au pays, un cinquième des besoins nationaux, et ce par
l’énergie éolienne offshore.
En considérant les techniques actuelles,
cela reviendrait à ériger pas moins de 7000 turbines. Les détracteurs du projet,
insistant sur la défiguration du paysage qui s’ensuivrait, ont fait un calcul,
certes quelque peu spécieux, mais percutant: on verrait une éolienne tous les
800 mètres le long des côtes britanniques.
Bien sûr personne n’envisage sérieusement de répartir les turbines tout le long
du littoral. Au contraire, le projet DOWNVInD cherche à les rendre les
plus discrètes possible.
Ce projet de 65 millions €, dont 6 millions €
proviennent de la Commission européenne, vise en effet à tester des éoliennes offshore installées au très grand large, là où on les voit très peu,
voire pas du tout, depuis la côte.
Le lieu choisi se situe au nord-est de l’Écosse, à 25 km au large
de la baie de Moray Firth.
Le nouveau parc éolien,
poétiquement baptisé eatrice Wind Farm, tire son nom de la plate-forme
d’extraction de pétrole Beatrice proche de quelques centaines de
mètres, et lui fournit d’ailleurs un tiers de son électricité depuis juillet
2007.
Les deux éoliennes qui le composent, chacune d’une puissance de 5 MW, sont
les premières à être installées là où la profondeur des eaux avoisine les 50
mètres, alors que de telles structures n’existaient encore qu’en des endroits
profonds d’une vingtaine de mètres.
«Notre principale difficulté a été de dresser de si grandes
infrastructures dans un milieu marin, aussi loin des côtes», explique Allan
MacAskill, directeur du projet OWNVInD.
«De nombreuses pièces ont
été assemblées sur la côte et transportées telles quelles en mer pour être
installées au bon endroit.
En définitive, il n’aura fallu «que» deux trajets. Le
premier pour amener la structure immergée destinée à ancrer l’éolienne sur le
fond de mer. Le second pour transporter la tour, la nacelle et les pales
assemblées sur la terre ferme.»
Un exploit de génie civil, car les dimensions des deux paquets
sont particulièrement impressionnantes.
La structure de base, mesurant 70 mètres
de hauteur – dont 20 destinés à rester émergés – pèse 750 tonnes.
Quant à
l’ensemble tour-nacelle-pales, si son poids n’excède pas les 1000 tonnes, sa
taille est plutôt encombrante: 88 mètres de haut pour la tour, et des pales de
63 mètres de long – soit un diamètre de 126 mètres…
Après avoir ancré la
structure de support, les ingénieurs ont transporté les éoliennes en position
verticale, puis les ont transférées sur la structure grâce à de gigantesques
bateaux-grues.
Parallèlement aux nombreuses études effectuées pour l’érection de
ces deux turbines, l’université écossaise d’Aberdeen a piloté plusieurs
recherches afin d’évaluer l’impact environnemental que de telles éoliennes
pourraient avoir, tant sur le rivage de la baie de Moray Firth qu’en pleine mer.
Un maximum de cas de figure ont été pris en compte pour
toutes les phases du projet, depuis l’assemblage à terre jusqu’au fonctionnement
des turbines, en passant par le transport, la fixation et l’installation des
structures, leur entretien, leur démontage lorsqu’elles arriveront en fin de
vie, et même les possibles accidents ou situations d’urgence.
Recensement des diverses espèces animales et végétales vivant dans
les environs, mesures pour évaluer la qualité de l’air et de l’eau ainsi que les
impacts visuels, sonores et électromagnétiques, enquêtes auprès des populations
habitant les rives de la Moray Firth, etc.
DOWNVInD n’a visiblement
rien laissé au hasard. Un radar spécial a même été installé afin de suivre le
mouvement de tous les oiseaux à travers les pales des éoliennes.
Il faut dire qu’aux yeux de l’opinion publique, la mer est souvent
considérée comme un espace qui doit rester vierge et sauvage. Y implanter des
infrastructures importantes susceptibles d’avoir des effets néfastes sur la
nature n’est donc pas sans risque, y compris en terme d’image.
Pour que les
entreprises voient l’intérêt d’exploiter son potentiel, DOWNVInD se
devait donc de mettre toutes les cartes dans son jeu.
«Le défi le plus important de DOWNVInD», résume Allan MacAskill,
«c’est de créer les conditions techniques qui permettront le développement de
projets à grande échelle, viables sur le plan commercial.
En d’autres termes,
implanter des parcs de deux cents éoliennes, pas de deux, comme à Beatrice.
Source : Infos-industrielles