Après Tanger Med 1 et Tanger Med 2, ce 3ème
complexe portuaire intégré qui sera érigé dans le prolongement des deux
autres, sur la façade méditerranéenne, côté oriental, confirme une
vision globale, des ambitions et une démarche que quatre ministres
n’étaient pas de trop à détailler.
Certes,
le projet Nador West Med est encore plus ambitieux que Tanger Med 1
& 2, tant sur le plan des infrastructures que sur le plan des
objectifs qu’il s’est assignés.
Il est encore plus innovant, dans le
sens où il prévoit -grandes nouveautés- un port hydrocarbure, des
capacités de stockages et une activité export. Ce que ne prévoyaient
pas les complexes Tanger Med.
Mais au-delà de ces prouesses, propres au
complexe, il y a des challenges propres, eux, au pays tout entier.
C’est ce qu’ont expliqué les quatre ministres.
Le
Maroc a d’abord l’intention d’exploiter sa façade maritime de façon
optimale. Il a pour objectif de développer son économie en captant
toutes les opportunités qu’il aurait pour attirer les investisseurs,
créer de la valeur et créer de l’emploi.
Or, non seulement les
complexes portuaires de la Méditerranée le lui permettent, mais ils lui
permettent également d’anticiper la sortie de crise internationale et
d’améliorer substantiellement son positionnement, à l’échelle mondiale.
Ainsi par exemple, pour ce qui est du positionnement, après
la réalisation du port Tanger Med, le Maroc est passé, selon l'indice
de connectivité de la CNUCED, du 78ème rang mondial en 2004 au 33ème
rang en 2008.
Aujourd’hui, il se classe 2ème en Afrique (après
l’Egypte), loin devant l'Algérie, la Tunisie ou l'Afrique du Sud. Et il
va de soi que le complexe Nador West Med lui permettra d'améliorer
encore ce classement et de mesurer sa compétitivité à celle des pays
avancés.
Cette
politique agressive de positionnement ne doit cependant pas être mal
interprétée.
Le ministre Karim Ghallab l’a longuement expliqué.
Interrogé sur les rivalités que les parts de marché que
pourrait prendre le Maroc à ses voisins du pourtour méditerranéen
(Espagne, Italie, Algérie…) risqueraient d’attiser, il a vivement
rejeté cette approche.
Pour
lui, même si le Maroc a le droit légitime de développer son économie
avec les opportunités que lui offre son espace géographique, il ne le
fait pas dans l’esprit de rafler la mise à ses voisins.
Au contraire,
soutient-il, ce genre de projets structurants crée une dynamique dont
tout le monde peut profiter. Attirer les regards, les investissements,
le commerce international et les circuits industriels vers cette
région, c’est y faire naître des activités à cercles concentriques qui
ne profitent pas seulement à l’intéressé (ici, le Maroc), mais à tous
ceux qui se trouvent dans la région.
Qu’est ce que le complexe Nador West Med ?
C’est
le 2 juillet dernier que le Roi présidait, à Nador, une séance de
travail consacrée à la planification des aménagements portuaires du
Royaume et au projet Nador West Med (NWM), un complexe intégré, portuaire, industriel, énergétique et commercial.
Le projet NWM sera érigé dans la baie de Betoya, située au niveau de
l'estuaire de l'oued Kert, à 30 km à l'ouest de la ville de Nador.
C’est un emplacement idéal pour plusieurs raisons : bonnes conditions
topographiques et bathymétriques, bonne position sur les routes
maritimes, disponibilité du foncier public et privé.
Le complexe
comprendra, à terme, un grand port en eaux profondes, un pôle
énergétique (production, conditionnement, stockage), une plate-forme
portuaire dotée de capacités importantes pour le transbordement des
conteneurs, l'import export et le traitement des produits vrac et une
plate-forme industrielle intégrée ouverte aux investisseurs nationaux
et étrangers et destinée à abriter les métiers mondiaux du Maroc (MMM).
Les travaux de réalisation de ce projet débuteront l'année prochaine par la
mise en place d'une plate-forme énergétique dédiée essentiellement à
l'export.
Ce port hydrocarbure, le premier noyau de NWM, dont les
études techniques ont déjà débuté, sera fin prêt en 2015 avec une
capacité de stockage variant entre 1 et 2 millions de tonnes et un quai
long de 3.000 ml.
Le complexe pourra disposer d’un foncier public
de 850 ha. Il sera réalisé par tranches, d’ici à 2025, mais pourra
encore se développer au-delà de cette date.
Le Maroc s'inscrivant,
cette fois-ci, dans une logique de planification à moyen et long terme.
L’infrastructure port hydrocarbures n'est pas dédiée au seul
marché intérieur. Au contraire, elle est orientée vers l'exportation,
avec l’objectif de drainer vers le Maroc une partie du trafic
international des produits énergétiques. Trafic qui est appelé à se
développer vu la croissance de la demande européenne sur ces produits.
En effet, la consommation des hydrocarbures en Europe devrait augmenter
de 10 à 20 millions de tonnes par an. Un besoin supplémentaire qui
constitue une opportunité que le Maroc est déterminé à saisir par la
mise en place d'installations de stockage répondant aux standards
internationaux.
De même, le potentiel de transbordement dans le
monde est appelé à passer de 130 millions d'EVP en 2006 à 230 millions
d'EVP en 2015-2017, soit une capacité additionnelle de 100 millions
d'EVP, dont 20 % à capter potentiellement en Méditerranée occidentale.
Ce qui nécessite une capacité supplémentaire de 30 millions d'EVP.
Pour
la réalisation de ce projet d'envergure, il faudra capitaliser sur
l'expérience du port de Tanger-Med. Des liens –y compris
institutionnels- seront d’ailleurs établis entre les complexes de
Tanger et de Nador.
Quatre ministres expliquent…
Karim Ghallab : Avec des paris de cet ordre…
« Le
plan directeur portuaire est un document de planification qui doit
projeter le Maroc sur une trentaine d’années. Mais le projet Nador West
Med relève des chantiers structurants voulus par Sa Majesté.
C’est
un projet grandiose, gigantesque qui doit répondre aux stratégies
nationales qui ont besoin de capacités portuaires et aux
investissements et commerces étrangers également consommateurs
d’infrastructures portuaires.
Ces dernières années, on a souvent été
sollicités pour des projets d’envergure, mais on n’avait pas une offre
suffisante. Avec Nador West Med, les opérateurs pourront importer d’où
ils veulent et exporter où ils veulent. Nous sommes au croisement des
routes du monde et les coûts de main d’œuvre sont moins chers.
Le
Maroc a une ambition méditerranéenne qui s’est traduite par plusieurs
projets.
Notamment, Tanger Med, la rocade du Nord, Saïdia, Al Hoceima…
Son objectif légitime, c’est de développer son économie en captant
toutes les opportunités.
Et ne parlez pas de concurrence avec les
voisins. Chacun essaie de développer son pays du mieux qu’il peut. Ce
qu’il faut, c’est replacer ce projet dans une logique de
complémentarité. Ne parlez pas non plus de projet démesuré. A Tanger
Med, il y avait beaucoup d’inconnues. Le succès du projet a pourtant
été 4 à 5 fois plus grand que ce que l’on attendait. C’est avec des
paris de cet ordre que le Maroc pourra avancer ».
Amina Benkhadra : La stratégie du stockage
« Le
projet NWM présentera des avantages stratégiques à ses utilisateurs,
notamment en matière de sécurité et de régularité de
l'approvisionnement en hydrocarbures. Et cela, grâce à la politique de
stockage.
Au
sortir de la crise, il y aura croissance de la demande des pays de la
zone méditerranéenne en hydrocarbures et pour accompagner ces besoins,
il faudra des stocks stratégiques.
Or, nos capacités de stockage sont toutes situées sur l’Atlantique.
Le
Maroc se devait de saisir cette opportunité pour se positionner comme
pôle stratégique de stockage, sur la façade méditerranéenne.
D’ailleurs, le Maroc aura lui-même des besoins de stockage.
Le
site choisi pour abriter ce complexe bénéficie d'une position
géographique exceptionnelle, située sur l'une des grandes voies
maritimes des hydrocarbures. Il est proche d'un marché potentiel pour
l'export (le marché européen).
NWM renforcera la position du Maroc dans la région méditerranéenne ».
Ahmed Reda Chami : Perdre à ne rien faire…
« Le
projet du complexe intégré de Nador prévoit une plate-forme
industrielle intégrée destinée à abriter les métiers mondiaux du Maroc
(Offshoring, automobile, aéronautique, électronique, textile et cuir…).
Cette zone franche renforcera la compétitivité de l'industrie
marocaine.
Parce que, d’une manière générale, le statut de zone franche est extrêmement attractif.
Mais
aussi, parce que cette zone franche présentera plusieurs avantages.
Notamment une offre de service adaptée, un guichet unique, une offre
immobilière diversifiée et flexible, une offre de formation intégrée.
L’avantage logistique se traduit par un avantage industriel.
Est-ce
que nous ne voyons pas trop grand avec tous ces projets ? Est-ce que
nous ne prenons pas de risques ? Et si la demande ne suivait pas
l’offre ?
A mon avis, on risque plus de perdre à ne rien faire qu’à faire…
Moi, je partage le crédo de ceux qui ont pu dire : « Build it and they will come » (construisez, ils viendront !) »
Salaheddine Mezouar : L’Etat financera
« Le Maroc a un avantage géographique. Mais ça ne suffit pas.
Avec ce projet, on sait où on va.
Le
projet NWM renforcera la présence du Maroc sur les voies maritimes
internationales, d’une part et d’autre part, il permettra aux
différentes stratégies de développement sectorielles lancées au Maroc,
dans plusieurs domaines (tourisme, agriculture, industrie, énergie,
commerce...) d’aboutir.
Car nous ne devons pas oublier un enjeu : le challenge de la structure de notre économie.
Nous
avons aussi, bien sûr, l’ambition de nous positionner au niveau de la
Méditerranée. Mais, au-delà du positionnement, nous réglons des
équations pour l’avenir.
NWM
est un projet structurant qui confirme la vision stratégique de Sa
Majesté le Roi de positionner le Maroc à l'échelle régionale.
Ce projet sera financé par l'Etat. Le financement de la première phase sera intégré dans la loi de finances 2010 ».
Source : Le Reporter