Bien que l’Egypte affiche un certain nombre d’indicateurs économiques positifs, elle souffre de la faim : près d’un tiers des enfants y sont atteints de malnutrition, selon un nouveau rapport publié par le ministère de la Santé et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).
L’édition 2008 de l’Enquête démographie et santé - Egypte (EDHS), publiée en mars 2009, fait état d’une augmentation de six points d’une sous-nutrition assez grave pour provoquer des retards de croissance chez les enfants de moins de cinq ans : en Egypte, les tout-petits sont ainsi 29 pour cent à souffrir d’un retard de croissance, contre 23 pour cent en 2000.
L’enquête porte sur des données recueillies en 2007/2008, période au cours de laquelle l’Egypte affichait une croissance de 7,2 pour cent de son Produit intérieur brut (PIB), un signe que la forte croissance économique du pays n’a pas profité à l’Egyptien moyen. Une croissance plus faible du PIB (4,7 pour cent) est prévue pour 2008/2009.
« Dans un contexte récent de crises et de ralentissement économiques, auxquels s’ajoutent les épidémies de plus en plus graves de grippes aviaire et H1N1, la nutrition n’est pas traitée en priorité », selon Hala Abu Khatwa, responsable de la communication du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) en Egypte.
Il existe néanmoins des programmes alimentaires publics : en partenariat avec le Programme alimentaire mondial (PAM), le gouvernement distribue des barres de date enrichies dans les écoles particulièrement à risque depuis 1963 ; la farine et l’huile subventionnées par le gouvernement (et utilisées pour produire le pain « baladi ») sont également enrichies en fer/acide folique et en vitamines A et D.
Abattage de poules
En revanche, certaines politiques gouvernementales ont eu des conséquences néfastes sur la nutrition des plus pauvres.
Selon l’UNICEF et le PAM, l’augmentation du nombre d’enfants atteints de malnutrition, rapportée dans l’EDHS, peut en partie être imputée à la décision du gouvernement d’abattre plusieurs millions de poules, en 2007.
« L’abattage a eu des conséquences importantes et substantielles sur la consommation de volaille et d’œufs des ménages, surtout [chez les] jeunes enfants, et a également mis à rude épreuve les ressources des ménages, la vente de volaille représentant près de la moitié des revenus de nombreux foyers égyptiens », a expliqué Mme Abu-Khatwa de l’UNICEF, citant une étude réalisée en 2007 par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et intitulée Livelihood Impact Assessment in Egypt [Evaluation de l’impact sur la subsistance en Egypte].
Gianpietro Bordignon, directeur du PAM en Egypte, attribue la malnutrition croissante observée chez les enfants à « la série de chocs successifs qui ont touché les populations, et particulièrement les plus pauvres. Cela a commencé avec l’épidémie de grippe aviaire et l’abattage de volaille qui en a résulté et a entraîné une diminution de la consommation de protéines, et cela s’est poursuivi par les crises financières et alimentaires qui ont suivi ».
Aucune information n’a encore été recueillie sur l’état nutritionnel des quelque 70 000 ramasseurs d’ordures non-officiels et des éleveurs de porcs de la région du Caire, qui dépendaient de l’élevage de porcs pour leur consommation de viande, leurs revenus et la production de déchets organiques.
Réformes économiques
Depuis 1991, l’Egypte s’est lancée dans des programmes de réforme économique qui n’ont pas forcément permis d’aider les couches les plus pauvres de la société.
Selon un rapport publié en juillet par l’Autorité générale des investissements et des zones franches d’Egypte, consulté par IRIN et intitulé Towards Fair Distribution of the Fruits of Growth [Vers une distribution équitable des fruits de la croissance], 66 pour cent de la richesse produite en Egypte est sectorielle, et ne bénéficie donc qu’aux individus directement employés par le secteur, et non à l’économie dans son ensemble.
« Entre 2005 et 2008, le risque d’extrême pauvreté a augmenté de près de 20 pour cent. La Haute Egypte [sud], où vivent 70 pour cent des populations pauvres du pays, présente le taux de pauvreté le plus élevé », a déclaré Mme Abu Khatwa. La Haute Egypte abrite environ 17 pour cent des 82 millions d’habitants que compte l’Egypte.
M. Bordignon du PAM a également fait remarquer que l’Egypte ne comptant pas parmi les « pays les moins développés », elle n’avait pas le droit de recevoir d’aide alimentaire internationale.
Selon le Rapport 2009 du PNUD sur le développement humain, 23 pour cent de la population vit en deçà du seuil de pauvreté. Les émeutes de la faim qui ont secoué l’Egypte en 2008 étaient symptomatiques de la pauvreté généralisée qui touche le pays.
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