Au-delà de l’aspect purement écologique, l’exploitation des énergies non fossiles, dans un pays qui importe 96 % de ses besoins énergétiques et bénéficie d’un ensoleillement moyen de 3 000 heures par an, présente de nombreux avantages.
Avec plus de trois milliards de dollars déboursés l’année dernière pour l’achat de produits pétroliers, soit environ 13 % du PIB de 2007, le Liban croule sous le poids d’une facture énergétique qui ne cesse d’augmenter depuis des années.
Le pays dispose pourtant de tous les atouts, ou presque, lui permettant de produire une partie de son énergie à partir de sources renouvelables (soleil, eau, vent, etc.) et de réduire ainsi les importations, qui couvrent près de 96 % de ses besoins en énergie.
« Depuis 2001, le coût des importations de produits pétroliers a triplé. L’envolée des cours du pétrole y est certes pour beaucoup. Cet état de dépendance énergétique, qui nous rend totalement tributaires de l’évolution des cours mondiaux, risque d’avoir des répercussions encore plus lourdes à long terme », souligne Saïd Chéhab, président de l’Association libanaise pour la maîtrise de l’énergie et de l’environnement (Almée).
Le développement des énergies solaire (thermique et photovoltaïque), éolienne, hydraulique, et d’autres, revêt donc une importance particulière, d’autant que le Liban souffre d’un déficit de production électrique. « Le Liban doit augmenter sa capacité de production pour mettre fin aux pénuries de courant.
Il devra donc installer de nouvelles centrales thermiques (fonctionnant aux énergies fossiles), pour un montant supérieur à 300 millions de dollars », explique Rabih Khairallah, président du comité de l’énergie à l’ordre des ingénieurs. « Autant investir ces sommes dans le développement des énergies renouvelables, qui permettent non seulement de réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais surtout de baisser la facture des importations », ajoute-t-il.
Aujourd’hui, aucune énergie non fossile n’est cependant suffisamment exploitée au Liban. L’hydroénergie, la seule forme d’énergie alternative produite en masse, ne représente par exemple que 1,3 % de l’approvisionnement total en énergie primaire.
Selon l’Almée, avec un potentiel hydraulique estimé à 600 mégawatts, le Liban peut pourtant produire jusqu’à 2 000 GWh par an (contre 585 GWh en 2007), soit plus de 15 % du total de sa production électrique actuelle.
Le pays peut également compter sur son potentiel éolien, estimé à 150 mégawatts en puissance et à plusieurs centaines de GWh en termes de production électrique, mais aussi sur un ensoleillement moyen de 3 000 heures par an permettant de produire 4,8 kWh/m2 (contre 3 kWh/m2 en Allemagne).
Le potentiel de la biomasse (terme désignant l’ensemble des matières organiques pouvant être transformées en énergie) et du géothermique (énergie créée à partir de la chaleur de la terre) n’est pas non plus à négliger, estiment les experts.
Des économies à long terme
Mais en dépit de ce potentiel, les énergies renouvelables n’intéressent pour l’instant ni l’État ni les grands investisseurs. La création de nouveaux barrages, l’installation de turbines ou de panneaux photovoltaïques (PV) nécessitent en effet des investissements de plusieurs centaines de millions de dollars, amortis sur une longue durée pouvant aller jusqu’à 20 ans (à l’exception des chauffe-eau solaires dont la rentabilité commence à se fait sentir au bout de deux à quatre ans).
Par exemple, « l’installation d’une structure éolienne de 60 MW implique un investissement de 60 millions de dollars et un kWh d’électricité produit à partir de cette énergie coûte près de 0,18 euro, soit l’équivalent de 400 livres», explique Saïd Chehab.
Un chiffre supérieur au tarif actuel de l’EDL, subventionné, et qui varie entre 35 et 200 livres le kWh (selon les tranches de consommation). Mais pour Chehab, cette comparaison n’est pas tout à fait exacte. « Ce tarif, inchangé depuis au moins dix ans, ne reflète pas le coût réel d’un kWh produit à partir du fioul.
Par conséquent, il ne peut être utilisé comme outil de comparaison », souligne-t-il. Selon lui, l’avantage économique des structures relatives aux énergies renouvelables réside dans le fait qu’elles n’impliquent ni une alimentation continue en fioul, ni des frais de maintenance élevés, après leur installation, contrairement aux structures classiques.
Le gain est donc à long terme, le coût marginal de production diminuant avec le temps. Mais au-delà des considérations de rentabilité, l’état actuel du secteur électrique n’encourage pas les investisseurs à se lancer dans des projets coûteux en l’absence d’un interlocuteur crédible, sachant que l’énergie produite devra être vendue à l’EDL en vue d’être distribuée au public.
En Europe, où ce problème ne se pose pas, l’intérêt de ces sources d’énergies non polluantes s’est traduit par une directive de la Commission européenne contraignant les pays membres à atteindre 20 % d’électricité d’origine renouvelable d’ici à 2020, tout en réduisant la consommation d’énergie dans une même proportion.
Développer les projets d’efficience énergétique
Pour de nombreux analystes, les efforts ne doivent pas uniquement être menés du côté de l’offre, mais aussi au niveau de la demande.
« Le développement de projets visant à rationaliser la consommation d’énergie à l’échelle nationale constitue une alternative rapide et efficace », estime Pierre Khoury, directeur du projet LCEC (Lebanese Center for Energy Conservation), soutenu par le PNUD.
Il s’agit notamment de lutter contre le gaspillage de l’énergie. « Ceci passe par exemple par l’isolation thermique des bâtiments qui permet à elle seule de réduire de 40 % la facture énergétique », explique Rabih Khairallah.
L’usage des ampoules fluocompactes dans l’éclairage, d’étiquettes-énergie sur certains produits (frigidaires, par exemple) pour indiquer au consommateur le niveau de consommation d’énergie de chaque appareil, sont, parmi d’autres, des projets aux coûts relativement bas et susceptibles de contribuer à la réduction de la facture relative à l’importation de produits pétroliers.
En attendant, le pays devrait déjà se doter d’un comité national pour l’énergie, ne serait-ce que pour commencer à réfléchir à une politique de long terme.
Source : l'Orient-le Jour