«Les vieux ne meurent pas, ils s'endorment un jour et dorment trop longtemps…
Les vieux ne bougent plus, leurs gestes ont trop de rides, leur monde est trop
petit», voici une image que Jacques Brel a bien su décrire dans l'une de ses
chansons.
Il parlait des personnes âgées, évaluait leurs gestes et soulignait leur
vulnérabilité. Cette image s'adapterait à merveille avec certains vieux au
Maroc. Surtout si l'on sait que notre pays a vu son effectif des personnes âgées
tripler entre 1960 et 2004, passant de 833 mille à 2,4 millions.
Dresser le
profil démographique et socio-économique de cette catégorie de la population,
saisir les relations qu'elle entretient avec les milieux familial et social ou
encore appréhender l'état de santé des sujets sont devenus donc une priorité du
Haut commissariat au plan (HCP).
En 2006, une enquête nationale auprès de 3.000
personnes a été réalisée. Les chiffres qui y sortent sont époustouflants. Ils
sont présentés, cette année, à l'occasion de la Journée internationale des
personnes âgées.
Ainsi, selon un communiqué du HCP, de nombreuses personnes
âgées vivraient plus longtemps et leur effectif s'accroîtrait entre 2004 et 2030
au taux de 3,5% (contre 0,9% pour l'ensemble de la population) pour atteindre
5,8 millions en 2030.
En effet, au cours de la dernière période
intercensitaire (1994-2004), le taux d'accroissement moyen annuel était de 2,6%
contre 1,4% pour l'ensemble de la population. «Cette tendance est appelée à se
poursuivre, voire même à s'accélérer.
De nos jours, l'espérance de vie augmente,
on la situe actuellement à 72 ans. Aussi, suite à l'avancement de la science, le
nombre des naissances s'amplifie jour après jour. D'ici 2030, le Maroc abritera
une population dont une bonne partie est âgée», confie une source du HCP.
Aussi,
il sied de noter que «l'évolution d'âge» de cette catégorie sociale à des
conséquences, entre autres, socio-économiques. «Vu l'importance du secteur
informel et la faible couverture de la protection sociale, associées à la
dégradation physique sous le poids de l'âge, le vieillissement de la population
constituerait une source importante de précarité, particulièrement pour les
femmes», explique notre source.
En effet, l'avantage dont les femmes
bénéficient en termes d'espérance de vie (73,9 ans versus 71,4 ans en 2008)
risque d'être perdu lorsqu'elles seront vieilles : « La gent féminine court plus
de risque de se trouver seule, souvent, en tant que veuve.
Surtout si l'on sait
que 54,4% des femmes étaient dans cet état, en 2004, contre 5,9% pour les
hommes».
Aussi, il n'y a pas que la solitude qui guette les femmes d'ici
20 ou 30 ans mais aussi la vulnérabilité. «Ces femmes risquent d'être dans une
situation de vulnérabilité ou même de précarité accentuée par un analphabétisme
qui touche 95% de celles âgées.
Il est temps d'apprendre des erreurs des autres
pays, notamment l'Allemagne et préparer une bonne prise en charge des personnes
âgées», rappelle notre source du HCP.
«Le
Maroc a dépassé sa transition démographique, et nous sommes bel et bien devant
le vieillissement de la société. Il est temps de réfléchir à une solution pour
prendre en charge nos futurs vieux», a affirmé Saïdi Salama, professeur à
l'Institut statistique de Rabat, lors d'une conférence-débat organisée par
l'association de l'Université du 3e âge (UNI3 Casa).
Selon le professeur Saïdi,
le vieillissement démographique se réfère à un processus de changement sur la
structure par âge de la population, dû, entre autres, à la baisse de la natalité
et au recul de la mortalité : «De nos jours, nous assistons à l'antipode de la
situation démographique des années 80.
En effet, bien avant cette époque, le
Maroc vivait à un rythme de croissance rapide, le taux de la mortalité baissait
et celui de la natalité augmentait. Pendant les années 80, l'évolution s'est
caractérisé e par une atténuation de la croissance entamée.
Ceci vu la
prolifération des moyens de contraception et du recul de l'âge de mariage.
Ensuite, le Maroc est rentré dans un labyrinthe de la transition démographique
dû à plusieurs facteurs, notamment la fécondité, l'âge de mariage, la
contraception et la baisse de la mortalité».
Ainsi, puisque le
vieillissement de la population est imminent, il vaut mieux prendre en charge
cette catégorie sociale.
Plusieurs propositions sont à discuter, notamment le
développement de la protection sociale, la prise en charge des maladies, la
préparation des maisons de vieux et pourquoi pas la révision de l'âge du départ
en retraite.
«Personnellement, je pense que tant la personne est capable de
travailler, qu'on la laisse faire. Il existe des sexagénaires qui sont encore
capables de donner de bons rendements», souligne une source du HCP.
Pour
ainsi dire qu'en matière de vieillissement, c'est la notion d'autonomie qui
prévaut. Cette phase consiste à définir le vieillissement par l'état de santé et
l'âge de la personne. En effet, plusieurs facteurs caractérisent les étapes de
croissance.
Ainsi, si le 2e âge, qui se situe entre 15 et 60 ans, est
caractérisé par l'activité, le 3e âge englobe les personnes de 60 à 75 ans. Il
s'avère que ces sexagénaires ont le potentiel de travailler et de générer une
rentabilité économique à l'encontre du 4e âge (au-delà de 75 ans) qui est
souvent caractérisé par l'inactivité et la fragilité physique.
Une fragilité qui
mène inéluctablement vers l'âge ultime de l'être humain, un âge appelé par
euphémisme le «troisième
âge».
Et oui! Il paraît qu'on ne finit jamais d'apprendre! Si
vous êtes «jeunes», à ''plus de 55 ans'', que vous avez le temps libre après une
vie professionnelle active, que vous désirez occuper vos loisirs, voire échapper
à une certaine solitude et s'instruire davantage, sachez qu'une université du
troisième âge existe.
Il s'agit de l'«UNI 3 Casablanca». Fondée selon l'esprit
de la charte nationale (loi 01.00) de l'éducation et de la formation organisant
l'enseignement supérieur, UNI 3 Casa permet à ses membres (principalement aux
personnes qui ne sont plus engagées dans la vie professionnelle) d'acquérir une
distance critique face au flot d'informations, de rester des citoyens
responsables et de développer leurs capacités de création et de recherche.
Source : Le Matin