L'Afrique du Nord est considérée comme la zone la plus exposée au changement climatique et cela se traduira notamment par la réduction de la pluviométrie.
Cette baisse aura des répercussions sur la population rurale qui ne cesse de croître dans cette région et qui mise sur l'agriculture pour assurer son développement.
Le Maroc, qui risque d'affronter une pénurie d'eau vécue en années sèches dans certaines régions et généralisée à l'horizon 2050, doit développer dès maintenant les ressources hydriques non conventionnelles telles que le dessalement de l'eau de mer ou la réutilisation des eaux usées.
Notre pays a lancé en 2006 le Programme national d'assainissement liquide (PNA) à l'horizon 2020 dont l'objectif est de construire 260 stations d'épuration et raccordé au réseau d'assainissement 80% du milieu urbain.
Dans ce sens, certaines villes ont opté pour le traitement des eaux usées pour les jeter après dans le milieu naturel ou la mer comme c'est le cas du projet de dépollution de la vallée de Bouregreg.
D'autres ont préféré réutiliser cette ressource rare pour l'irrigation. Ainsi, hormis la Station d'épuration des eaux usées (STEP) de Benslimane, dont les eaux traitées sont destinées au golf, la ville de Meknès s'apprête à devenir pionnière dans ce domaine.
Mais avant d'arriver à ce stade, l'ex-capitale ismaïlienne a lancé, depuis presque dix ans, un projet de 70 millions de dollars pour la mise en place d'un réseau dense de collecteurs des eaux usées et d'eau pluviale qui convergent vers la Station de traitement des eaux usées dont les travaux se sont achevés fin 2008.
A présent, la station d'épuration comprend neuf lagunes de la taille de stades de football, destinées au traitement primaire sur une superficie de 35 ha. Pour que ces eaux soient effectivement orientées vers l'agriculture, la wilaya de Meknès-Tafilalt a demandé le soutien de l'Agence des États-Unis pour le développement international (USAID).
Cette dernière a apporté son assistance technique dans le cadre du programme «Transformer la culture et gouvernance de l'eau au Moyen-Orient et en Afrique» sous forme d'un groupe de six experts : trois Marocains, un Libanais, un Jordanien et un Américain.
A Meknès, les agriculteurs utilisent depuis des décennies les eaux d'égouts brutes pour l'irrigation. Cela pose des risques importants pour la santé des populations riveraines, des consommateurs et sur l'environnement.
«L'utilisation des eaux usées traitées dans l'agriculture à Meknès signifiera un changement radical des pratiques agricoles et constitue un levier d'intensification permanent car basé sur une ressource durable et en pleine croissance.
Si on arrive à traiter les 38 millions de m3 d'eaux jetées annuellement, comme eaux usées brutes polluantes, par la ville dans la nature, nous pourrons gagner l'équivalent d'un petit barrage. Les eaux usées produites annuellement par le Maroc représentent quelque 600 millions de m3. Cette quantité augmentera avec le développement urbain.
Ce projet peut servir comme exemple-pilote à d'autres villes », explique Said Ouattar, enseignant chercheur à l'Institut agronomique et vétérinaire (IAV) Hassan II à Rabat et chef d'équipe de ce projet-pilote dont les résultats seront présentés mardi 9 juin, lors d'un atelier organisé par la wilaya de Meknès.
Cette réunion discutera des conclusions des travaux des experts et du comité de coordination régional.
Il s'agit de la détermination de quatre zones irrigables d'une superficie de 4.000 ha, de l'étude des sols et systèmes de cultures pratiquées par les agriculteurs ainsi que la réalisation d'un guide de bonnes pratiques de traitement et réutilisation des eaux usées pour les techniciens de la station et d'un autre guide à l'attention des agriculteurs afin qu'ils maîtrisent le système de culture et des récoltes.
Les experts discuteront aussi d'une enquête sur les préoccupations des agriculteurs dans le projet et dont 98% parmi eux sont prêts à participer financièrement à ce programme. La mise en place d'un cadre institutionnel regroupant tous les principaux acteurs de l'eau dans la région sera également traitée lors de cette rencontre.
Mais avant de se projeter dans le futur, il faut dire que ce projet est le résultat d'une mobilisation qui a vu la participation de plusieurs autres partenaires, notamment le Comité de coordination pour le traitement des eaux usées et leur réutilisation, la wilaya, l'Office national de l'eau potable (ONEP), la Régie autonome de distribution d'eau et d'électricité (RADEM), la Direction de la production agricole (DPA) et l'Agence hydraulique du bassin de Sebou.
Par ailleurs, le comité peut, selon les besoins, consulter les représentants du Conseil régional, des ministères de l'Intérieur, de l'Eau et de l'Environnement, du Commerce et de l'Industrie, du Centre régional d'investissement (CRI) et de la Délégation régionale de la santé.
Le Maroc, dont les ressources en eau sont très limitées et mal réparties sur le territoire national, rejette la majorité de ses eaux usées urbaines sans traitement préalable dans la nature.
Le Programme national d'assainissement liquide (PNA) vise à atteindre un taux de raccordement global au réseau d'assainissement de 80% en 2020 et 90% en milieu urbain à l'horizon 2030, à réduire la pollution domestique de 80% en 2020 et 90% en 2030 et à traiter 100% des eaux usées collectées en 2030 avec leur utilisation de manière efficiente et rentable.
Afin de garantir la réussite de ce programme, sa mise en œuvre sera accompagnée d'un certain nombre de mesures ayant trait aux aspects institutionnels, réglementaires et financiers, mais également de sensibilisation, de communication et de renforcement des capacités.
Ce programme sera revu chaque année dans la perspective d'identifier de nouveaux centres éligibles au financement.
Source : le Matin
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