Alors que les indicateurs économiques de l'industrie vinicole sont au vert, la schizophrénie juridique entourant la commercialisation d’alcools reste de mise. Organisée récemment à Meknès, la Fête des vignes a relancé le débat
Alors que les indicateurs économiques de l'industrie vinicole sont au
vert, la schizophrénie juridique entourant la commercialisation
d’alcools reste de mise. Organisée récemment
à Meknès, la Fête des vignes a relancé le
débat.nn
elle
Quelle est la particularité de Meknès ? Hormis son histoire, dont Bab El Mansour reste l’un des monuments, et son statut d'unique mairie tenue par le PJD, la région est surtout connue pour ses vignes. Si les vins marocains sont appréciés par les consommateurs, c'est en grande partie grâce à cette région qui, profitant d'une situation et d'un climat |
|
propices,
a su développer un véritable savoir-faire en la
matière. Un savoir-faire qu'autorités, acteurs du secteur
et opérateurs touristiques régionaux veulent
désormais faire connaître. Avec la reprise, cette
année, de “la Fête des vignes”, c'est
désormais chose faite. La manifestation, organisée il y a
deux semaines, et qui se veut désormais annuelle, a pour dessein
de renseigner sur le développement que connaît le secteur
et sur la qualité de certains crus marocains. Depuis la fin des années 1980, la production de vins a plus que doublé, et la qualité a suivi : après avoir été longtemps étiqueté comme ordinaire, le vin marocain passe désormais, pour près de 50% de la production, pour un vin de qualité supérieure. Meknès, capitale vinicole du Maroc Dans cette embellie, la région Meknès-Tafilalet joue le rôle de locomotive. À elle seule, elle représente 70% de la production vinicole nationale. D’après une étude réalisée par la Mission économique française au Maroc, celle-ci se situerait entre 300 000 et 400 000 hectolitres selon les années, soit une moyenne de 37 millions de bouteilles (dont 78% de vin rouge, 18% de vin gris et de rosé, et seulement 4% de blanc). Avec ses cinq entreprises de vinification, Meknès-Tafilalet produit près de 61 633 tonnes de raisin de cuve et 21 000 tonnes de raisin de table. Outre l’Etat, à travers la Sodea (qui gère, directement ou indirectement, 65% des vignobles de cuve et assure 46,5% de la production de vins), c’est le groupe Les celliers de Meknès - justement l'un des initiateurs de la Fête des vignes- qui tient le haut du pavé. Pour ce haut responsable du groupe de Brahim Zniber (qui a également racheté Ebertec et Thalvin), le secteur doit son saut qualitatif à cette société, qui offre depuis 2001 la seule Appellation d’origine contrôlée (AOC) marocaine et le 1er grand cru classé du pays, les Côteaux de l’Atlas. D’autres sociétés, notamment étrangères, se sont également positionnées sur la qualité. C’est le cas de Castel. La production globale du groupe français s’élève à près de 100 000 hectolitres. Celle-ci est largement constituée de vins en vrac, destinés à l’export, mais plusieurs vins sont désormais proposés sur le marché marocain (20% de la production, soit 2,7 millions de bouteilles). Certains se sont même placés dans le très haut de gamme. C’est le cas notamment de Vininvest, située dans la région d’El Hajeb (toujours à Meknès), qui table à terme sur 4000 hectolitres de vins de haute qualité. Ambiguïté juridique Du point de vue économique, tout va pour le mieux pour l'industrie vinicole. Comptant quelque 10 000 emplois stables, le secteur a enregistré un chiffre d’affaires d'un milliard de dirhams. Tout en étant acteur du secteur, l’Etat en tire également une manne financière considérable. En effet, les taxes sur les vins et spiritueux lui rapportent annuellement plus de 220 millions de dirhams. Mais politiquement, c’est une autre paire de manches. Dès l’annonce de la tenue de la fameuse Fête des vignes, les islamistes du PJD, bien implantés dans la ville ismaélienne (avec quatre députés, en plus du maire Aboubakr Belkora), ont commencé à tirer à boulets rouges sur ses initiateurs, qualifiant l’événement d’apologie à “Oum Al Khabaïte”, littéralement “la mère des vices”. “Les autorités touristiques ne se contentent pas d'encourager une industrie catégoriquement bannie par l'islam. Elles vont jusqu'à lui organiser des campagnes de publicité”, pouvait-on lire dans une édition du quotidien d'obédience islamiste Attajdid. Cette critique relance un débat vieux de plusieurs décennies, autour d' une schizophrénie bien marocaine : celle d'interdire la vente d’alcools aux musulmans dans les textes de loi, tout en la tolérangt largement dans la pratique. D'après l'arrêté minstériel du 17 juillet 1967, toujours en vigueur, les boissons alcoolisées ne peuvent être vendues qu’aux non-musulmans. Qui se bouscule alors devant les marchands d’alcools et dans les “caves” des supermarchés au risque d’être embarqué par un fourgon de police à la sortie ? Mieux encore, “dans bon nombre de quotidiens et de périodiques marocains, dirigés par des Marocains et destinés à des Marocains, la publicité des alcools est omniprésente. Sacerdoce et négoce, le ménage de raison est difficile, mais légal “, analyse Fouad Rhouma, universitaire et auteur du Statut de l’alcool dans l’imaginaire social des musulmans, une étude où le Maroc est cité comme exemple des contradictions ambiantes dans toute la région. Autre lieu, même ambiguité. Dans les bars, régis par une loi datant de mai 1937, actualisée dans les années soixante et soixante-dix avec un décret du Premier ministre de 1977. Protégé à l’intérieur d’un bar, tout consommateur ne saurait prédire ce qu’il adviendrait de sa personne une fois au dehors. “Dès le moment où il quitte le lieu, et ne serait-ce que le temps de héler un taxi, cette personne se trouve exposée au risque d’inculpation pour ivresse manifeste sur la voie publique”, ajoute Fouad Rhouma, non sans ironie. Si entre impératifs économiques et liberté individuelle d’un côté, et faux débat de l’autre, le choix est vite fait, l’adaptation de l’arsenal juridique par rapport à la commercialisation des produits alcoolisés, elle, ne semble pas être à l’ordre du jour. En attendant, le PJD ne rate aucune occasion pour appeler à une interdiction formelle de la vente d’alcools. En face d’eux, ils sont bien rares à oser défendre le contraire. Source : Tel Quel |
moyenne de vins au Maroc, l'équivalent de 37 millions de bouteilles.
10 000 emplois : Effectifs travaillant dans le secteur de la viniculture.
220 millions de DH : Montant des recettes douanières et fiscales sur les boissons alcoolisées.
350 000 hectolitres : Production annuelleChiffres clés.
350 000 hectolitres : Production annuelle moyenne de vins au Maroc, l'équivalent de 37 millions de bouteilles.
10 000 emplois : Effectifs travaillant dans le secteur de la viniculture.
220 millions de DH : Montant des recettes douanières et fiscales sur les boissons alcoolisées. moyenne de vins au Maroc, l'équivalent de 37 millions de bouteilles.
10 000 emplois : Effectifs travaillant dans le secteur de la viniculture.
220 millions de DH : Montant des recettes douanières et fiscales sur les boissons alcoolisées.
Commentaires