Les erreurs médicales sont devenues monnaie courante dans nos
structures de santé et les témoignages, relatant de graves cas
d’inadvertance, voire de négligence, abondent. En l’espace de trois
ans, l’Ordre des médecins a recensé près de 200 cas reconnus de fautes
médicales.
Beaucoup plus, selon le comité SOS erreurs médicales qui
avance un chiffre de 500 pour la même période. Toutefois, ces données
sont bien en deçà de la réalité, rares étant les victimes à revendiquer
leur droit.
Les raisons en sont multiples : fatalisme, peur ou
résignation. De même, la plupart des citoyens restent ignorants des
procédures judiciaires et administratives, très lourdes du reste.
Et
même lorsque des affaires sont portées devant la justice, rares sont
celles qui aboutissent à une condamnation ou à un dédommagement.
Il se forme entre le médecin et son client un véritable contrat
comportant, pour le praticien, l’engagement de donner des soins
attentifs, consciencieux, sous réserve de circonstances
exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science ; la
violation, même involontaire, de cette obligation contractuelle est
sanctionnée par une responsabilité de même nature, également
contractuelle. » (Arrêt Mercier, 20 mai 1936).
Telle est, selon le
droit médical, la description du lien qui unit un médecin et son
patient. Pourtant, ce « contrat », tant moral que civil, n’est pas
toujours respecté.
Certains praticiens, par inadvertance, négligence, incompétence ou
tout simplement par manque de chance, foulent aux pieds les règles
basiques de la déontologie médicale.
Et ce sont les malades qui payent
les frais de ces erreurs ou fautes médicales. Les nombreuses histoires
régulièrement relatées à ce sujet peuvent en attester : elles sont
devenues monnaie courante dans nos structures de santé, qu’elles soient
publiques ou privées.
Les témoignages sont édifiants et renseignent du peu de cas parfois
fait quant à la vie des Algériens. « Mon bébé est décédé suite à une
négligence médicale dans une clinique privée », raconte Mme B. Wassila.
Admise le 26 juillet dernier dans une clinique privée de la banlieue
algéroise, la jeune femme, pourtant « en très bonne santé », a connu le
début du calvaire lorsque, durant l’accouchement, elle est prise d’une
forte fièvre et de vomissements.
Une facture trop lourde…
L’on pourrait s’attendre à ce qu’une clinique privée, qui pratique
les prix que l’on sait, prenne en charge ces maux « bénins ». Pourtant,
la réalité est tout autre. « Le médecin m’a remis deux comprimés de
paracétamol et une bouteille d’eau, en disant à l’infirmière : « Il n’y
a rien dans cette clinique. » Il a décidé de pratiquer l’accouchement
(péridurale et forceps) sans m’avoir administré d’antibiotiques ou
autre traitement », relate-t-elle.
La délivrance se passe tant bien que mal et Wassila donne naissance
à une petite fille, Amalya. Seulement, plus grave, il n’y a aucun
pédiatre dans l’établissement afin de s’assurer de la bonne santé du
nouveau-né. « L’enfant est née à 5h et la pédiatre n’était présente à
la clinique que 8 heures après.
Constatant que la petite était légèrement souffrante, elle quitte
pourtant les lieux sans se soucier de l’état de santé du bébé qui se
dégradait. » Durant la nuit, la direction de la clinique décide
d’évacuer la petite Amalya vers l’hôpital Mustapha, où malgré les soins
de réanimation qu’elle reçoit, elle rend l’âme. Comble du mépris et de
l’inhumanité ?
« Malgré sa responsabilité, la clinique a exigé le
paiement de la facture d’un montant de 45 000 DA, et ce, sans
s’enquérir, dans un premier temps, de l’état de santé de ma fille ni
même présenter des condoléances », s’insurge Wassila, qui s’interroge :
« Comment des cliniques privées peuvent pratiquer des accouchements
sans la présence de pédiatre et en ne fournissant aucune explication
quant à ces états de négligence avérée ? »
Donner la vie ou la risquer ?
Force est de constater que ces dernières années, donner naissance
est devenu une réelle prise de risques au vu du nombre « d’accidents »
enregistrés dans les services de maternité.
Mauvais suivi de la
parturiente durant le travail ainsi que de l’enfant, prise de décision
tardive dans certains cas, manipulation approximative et violente des
forceps, gestes mal assurés et maladroits des délivreurs ou encore
oubli de compresses dans la plaie après la suture.
Les séquelles de ces
« mauvais traitements » sont parfois désastreuses, voire irrémédiables.
Elles vont, dans les meilleurs des cas, de l’infection plus ou moins
grave au décès de la mère ou du nouveau-né, en passant par différents
handicaps et la stérilité.
Il a été constaté, depuis quelques années,
une systématisation du recours à la césarienne, avec les complications
potentielles que cette intervention présente, et ce, même lorsque
l’accouchement par voie basse est sans danger. Comment expliquer ce que
d’aucuns qualifient de « dérives » ?
« Cela ne concerne pas uniquement
les maternités, mais c’est, plus globalement, en matière de chirurgie
que le plus grand nombre d’erreurs médicales sont commises.
Et ce, en raison du caractère définitif des actes pratiqués dans les
blocs opératoires. De ce fait, les dommages occasionnés sont les plus
préjudiciables », avance le professeur Mohamed Bekkat-Berkani,
président du Conseil national de l’ordre des médecins.
Effectivement, les bavures médicales peuvent être commises dans
n’importe quel service. Dans ce registre d’ailleurs, la négligence est
commune aux structures publiques et aux cliniques privées.
L’on garde
tous en mémoire les circoncisions collectives tournant au drame,
mutilant à vie des dizaines de petits garçons, ou encore les récits de
personnes ayant pâti d’une erreur de diagnostic ou de traitement.
De
même, des familles ont été endeuillées parce que le personnel médical
avait tout simplement « oublié » d’administrer certains médicaments à
des malades chroniques, diabétiques, hypertendus ou autres.
L’on entend souvent dire que l’on entre à l’hôpital sur ses pieds et
que l’on en ressort dans un cercueil.
En Algérie, la boutade est
cruellement devenue réalité…
Source : City DZ