Des failles dans la prise en charge de l'alzheimer continuent à être observées au Liban, où un tabou entoure toujours la maladie.
Pour mieux sensibiliser le corps soignant à cette maladie et à la meilleure façon de prendre en charge les patients, l'association Alzheimer-Liban entame une série d'ateliers de travail au sein des hôpitaux dans différentes régions du pays.
Le coup d'envoi a été donné par une première session organisée à la Lebanese German University.
Plus de 100 ans après avoir été décrite la première fois en 1906, la maladie d'Alzheimer continue à être frappée de tabou.
Celle-ci reste en fait incomprise, notamment de la part du personnel de santé, qui ne sait pas comment traiter avec les patients, et de la société, où l'on rencontre des personnes « qui ont peur de serrer la main d'un malade souffrant d'alzheimer ou encore de le prendre dans leurs bras », comme en témoignent des proches de patients.
Pour aider à lever ce tabou et pour sensibiliser le corps infirmier à la maladie et à la meilleure façon de prendre en charge les patients, l'association Alzheimer-Liban a organisé, en collaboration avec le comité scientifique de l'hôpital Notre-Dame du Liban et la faculté de santé publique de l'Université libano-allemande (Lebanese German University - LGU), un atelier de travail sur le thème « Pour une meilleure qualité de soins au maladed'Alzheimer.
Plus de 126 infirmiers et infirmières et étudiants en soins infirmiers ont pris part aux travaux de cette session à laquelle ont également participé les hôpitaux suivants : Notre-Dame Maritime, Notre-Dame du Secours, Saint-Louis et Saint-Georges (Ajaltoun).Le Dr Nabil Naja, gériatre spécialisé en médecine interne et vice-président de l'association Alzheimer-Liban, a donné un aperçu sur cette maladie « dégénérative », qui constitue « la forme la plus fréquente de démence » et qui touche près de 25 millions de personnes dans le monde (au Liban, ils seraient plus de 35 000 à en souffrir).
L'alzheimer est une « atteinte des fonctions cognitives, c'est-à-dire des fonctions cérébrales liées à l'intelligence et responsables du comportement et de la mémoire », explique-t-il. La maladie apparaît généralement à un âge tardif (50 % des patients ont plus de 80 ans), mais peut toutefois être détectée à un âge plus jeune.
La maladie peut durer plusieurs années. Au début, les troubles de mémoire touchent aux événements récents. Avec l'évolution de la maladie, des faits plus anciens sont oubliés. En fait, c'est la famille qui se plaint le plus. Le patient, lui, ne se soucie que partiellement de son problème.À un stade plus avancé, le patient va perdre le sens de l'orientation. Par la suite se développeront des troubles du langage. Le patient ne trouve plus ses mots et souffre d'un trouble de compréhension du langage.
Il a aussi une difficulté à savoir manipuler les gestes quotidiens et à reconnaître les personnes et les objets qui l'entourent. À cela s'ajoutent des troubles du calcul et de la logique. Ce n'est qu'au stade final de la maladie que le patient est alité.
Il existe une grande faille dans la prise en charge de l'alzheimer », confie à L'Orient-Le Jour le Dr Nabil Naja. « Malheureusement, le corps soignant ne sait pas communiquer avec le patient, poursuit-il. Il faut comprendre qu'il ne s'agit pas uniquement d'une maladie, mais de tout un environnement, d'autant que c'est toute la famille qui est affectée. »« Le problème avec les professionnels de la santé, c'est qu'ils ne savent pas comment gérer la maladie, ne veulent pas savoir et ne disent pas qu'ils ne le savent pas, déplore le Dr Naja. Ils estiment qu'il n'y a rien à faire. Or c'est une mauvaise attitude, parce que le patient atteint d'alzheimer a le droit de souffrir d'une autre pathologie. »
La première étape donc consistait à lever le tabou qui entoure la maladie. « Dans un deuxième temps, il s'agissait de les initier à la meilleure façon d'agir devant un malade perturbé, explique le Dr Naja. Parfois, un simple contact humain suffit.
Mais pour cela, il faut beaucoup d'entraînement. » Et de préciser : « Les professionnels de la santé savent gérer des symptômes chez un malade qu'ils peuvent comprendre et avec qui ils peuvent communiquer. Ce qui n'est pas le cas avec le patient d'alzheimer.
En Europe, des unités gériatriques pour maladie d'Alzheimer ont été créées au sein des hôpitaux. Nous n'en sommes pas encore là au Liban. Toutefois, on essaie de pallier le problème en initiant le personnel de santé à la façon de gérer les symptômes médicaux dans le cadre de la maladie. Mais un long chemin reste encore à parcourir. »
De son côté, la présidente de l'association Alzheimer-Liban, Diane Mansour, a souligné que le but de ces sessions est de « créer une harmonie et de sensibiliser à la maladie », mais aussi de lever les tabous qui entourent la pathologie afin d'améliorer la qualité des soins.Insistant sur le rôle primordial du corps infirmier, Mme Mansour souligne ainsi qu'une personne souffrant d'alzheimer n'est pas « dangereuse, agressive, violente ou chicanière ». « Elle agit simplement en autodéfense », insiste-t-elle, remarquant dans ce cadre que le patient « se sent menacé, est confus, a peur, ressent une insécurité, est fragile, innocent et docile ».
Quant aux membres de la famille, ils « sont embarrassés et anxieux ». « Ils doivent décrire les symptômes et donner des réponses tout en protégeant et défendant leur malade. »Insistant sur l'autre face de la maladie, Mme Mansour remarque qu'une personne souffrant d'alzheimer a une valeur infinie. « C'est une personne qui a un nom, une âme, des sentiments, une histoire, un environnement, une volonté, une personnalité, mais aussi des moments présents », ajoute-t-elle.
Et la présidente d'Alzheimer-Liban de conclure en insistant sur les droits des patients souffrant d'alzheimer.
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