Une clôture en grillage et des panneaux marqués «danger» délimitent le site d'In Akker dans le Sahara algérien où des déchets radioactifs sont toujours à l'air libre après 13 essais nucléaires français effectués dans les années 1960.
Au bord de la principale route dans le grand sud, le temps semble figé. Depuis le départ des Français à la fin de l'année 1967, aucune opération de décontamination n'a été menée sur le site d'In Akker, à 150 km au Nord de Tamanrasset (1970 km au Sud d'Alger), où ont été effectués 13 essais nucléaires souterrains, sur les 17 réalisés dans le Sahara algérien.Le site des tirs contient «des centaines de milliers de tonnes de déchets radioactifs» et constitue un danger pour les populations locales et l'environnement, déclare à l'AFP Roland Desbordes, membre de la commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité (CRIIAD, France).
M. Desbordes était jeudi sur les lieux avec une équipe de chercheurs algériens et étrangers, des journalistes et des victimes des essais.
«Les laves des roches qui ont fondu sous l'effet des explosions entourent la montagne et constituent des déchets hautement radioactifs. Il y a toujours des gens qui récupèrent du métal et des câbles abandonnés sur les lieux», affirme-t-il.
«Je n'ai jamais vu un tel niveau de radioactivité. Sur la lave, on reçoit 100 fois plus que la radioactivité naturelle», dit-il encore.
Douze des 13 essais ont provoqué des fuites radioactives et quatre des accidents, indique Ammar Mansouri, chercheur au Centre de recherche nucléaire d'Alger en comparant l'essai du 1er mai 1962 à l'accident nucléaire de Tchernobyl en 1986 (Ukraine).
«Le 1er mai 1962, un essai a été raté. Il n'avait pas été suffisamment confiné. L'accident a provoqué un nuage radioactif de 2600 m d'altitude irradiant ceux qui étaient sur place et plusieurs régions», dit-il.
Michel Dessoubrais, 69 ans, faisait partie ce jour-là d'un groupe de neuf militaires postés à quelques kilomètres de la montagne.
«J'étais en face de la montagne au moment de l'explosion. C'était terrible. La terre a tremblé sous nos pieds. Un nuage radioactif de 2.600 m de hauteur nous a irradié», se souvient-il.
Le président de l'association du 13 février 1960, en référence à la date du premier essai nucléaire à Reggane (1 700 km au Sud d'Alger), El Hamel Omar, se contente de parler de revendications humanitaires.
«Nous réclamons la décontamination des sites, la construction d'un hôpital pour soigner les personnes malades et de laboratoires de recherches pour suivre les effets de ces essais», précise-t-il à l'AFP.
«Nous voulons savoir s'il existe une relation entre les 80 cas de cancers à l'hôpital de Reggane et les essais», ajoute-t-il.
Pour M. Desbordes, il n'y a pas de temps à perdre. «Il faut rassembler en urgence les déchets radioactifs et récupérer tout ce qui a été dispersé, les confiner et les isoler».
Un comité conjoint franco-algérien a été mis en place après la visite en 2007 du président Nicolas Sarkozy en Algérie pour réaliser une expertise des sites nucléaires avec la collecte de données et d'études.
Mais pour le juriste Azzedine Zalani, les ministères algériens de la Santé et de l'Environnement doivent agir sans attendre pour sécuriser les sites des essais.
Pour lui, «les autorités sanitaires et environnementales algériennes doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les populations des radiations. On ne doit pas attendre un geste de la France».
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