L’Association des Tunisiens des Grandes écoles (ATUGE) organise un déjeuner-débat, le 1er décembre 2009, portant un thème on ne peut plus d’actualité, les "Energies du futur pour la Tunisie".
Nous avons saisi cette occasion pour poser quelques questions à M. Mustapha El Haddad, grand connaisseur du secteur de l’énergie en général.
Webmanagercenter : Pourriez-vous nous parler (en quelques mots) de la problématique énergétique mondiale à l’heure actuelle ?
Mustapha El Haddad : En quelques mots, cela serait certainement difficile et prétentieux de ma part. Je me contenterai donc de vous donner un aperçu des principaux enjeux tels que décrits par l’Agence Internationale de l’Energie :
· Pour tous les pays, le défi consiste à mettre en place un système énergétique plus sûr, moins nocif pour l’environnement sans pénaliser leur développement économique et social ;
· La demande mondiale d’énergie augmentera de 55% au cours des deux prochaines décennies ;
· En 2030, la demande d’énergie restera largement dominée par les énergies fossiles (82%). La part des énergies renouvelables -hors hydroélectricité et biomasse- atteindrait 2% ;
· Les ressources pétrolières actuelles permettront de satisfaire la demande mondiale au cours des deux prochaines décennies ;
· Mais satisfaire la demande mondiale d’énergie posera un réel et croissant problème de sécurité énergétique ;
· La dépendance croissante, des pays consommateurs, aux importations de pétrole et de gaz, à partir d’un petit nombre de pays exportateurs, menace d’exacerber à court terme les risques sur la sécurité énergétique.
Quelle est la politique énergétique de la Tunisie ?
Le gouvernement a engagé plusieurs réformes au cours de ces dernières années. Je crois qu’à l’occasion du déjeuner débat organisé par l’ATUGE le 1er décembre, monsieur Abdelaziz Rassaa, secrétaire d’Etat, exposera certainement mieux que moi la politique énergétique de la Tunisie.
En tant que spécialiste de la question, quelles sont selon vous les énergies sur lesquelles pourrait miser à l’avenir notre pays ?
Il faut peut-être rappeler que nul n’est prophète dans son domaine, en particulier dans celui de l’énergie. Afin de vous donner quelques idées directrices, disons qu’au stade actuel des connaissances, «les énergies sur lesquelles pourraient miser notre pays» au cours des deux prochaines décennies seraient : les économies d’énergies, les énergies renouvelables et les énergies conventionnelles fossiles.
Sauf changement majeur du contexte international et selon toutes les projections actuelles, les énergies conventionnelles, en particulier pétrole et gaz, domineront encore la demande d’énergie au cours des deux prochaines décennies.
Les énergies renouvelables, hors biomasse traditionnelle, représentent actuellement moins de 1% du bilan énergétique de la Tunisie. Certains pays méditerranéens (Espagne, Turquie, Jordanie…) ont réussi a valoriser différentes formes d’énergies renouvelables, dont en particulier : l’électricité générée par des éoliennes et les chauffe-eau solaires.
Le poids relatif des énergies renouvelables restera probablement modeste à l’horizon 2030. Mais il n’y a pas de petites économies !
Il faut signaler, par ailleurs, que la production d’électricité à partir du photovoltaïque ou des centrales type CSP reste très coûteuse. Mais les progrès technologiques enregistrés méritent qu’on s’y intéresse.
Le gisement d’économies d’énergies est important. A titre d’exemple, la réduction pendant 10 ans de 2% par an de l’intensité énergétique (quantité d’énergie consommée par million de dinars de PIB) équivaut à une économie cumulée d’une année de consommation.
La Tunisie a vu son intensité énergétique baisser au total d’environ 17% au cours des deux dernières décennies. Mais l’intensité énergétique du pays reste plus élevée que celle des pays euro-méditerranéens.
Signalons, du reste, que l’intégration aux réseaux électriques euromaghrébins permettrait, à plus long terme, de mieux rentabiliser les capacités nationales de production électrique.
La question de l’environnement est sur toutes les lèvres, d’où l’intensification de la recherche sur les énergies dites ‘’propres’’. Cependant, ces dernières engendrent des coûts énormes en termes de budget. Que faire, mais surtout comment le faire alors que les besoins en consommation d’énergie vont croître ?
Si nous parlons des gaz à effet de serre (GES) produits par la combustion des énergies fossiles, il nous faut préciser qu’un Tunisien pollue 4 fois moins qu’un Européen et 10 fois moins qu’un Américain. L’Union européenne s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 20% à l’horizon 2020.
De ce fait, il faut s’attendre, d’une part, à un transfert de leur production d’électricité vers des pays limitrophes (Projet Desertec) et, d’autre part, à un important effort pour la mise en valeur des énergies renouvelables (plan solaire Méditerranée). La Tunisie doit bien sûr rester à l’écoute de ces développements.
Source : WebManagerCenter
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