L’Etat tunisien a mis en place depuis plus de 20 ans une politique de maîtrise de l’énergie et de promotion des énergies renouvelables.
l faut dire que ce petit pays, entouré de poids lourds de la production pétrolière (Algérie et surtout Libye) est peu doté en matières premières et a choisi de contourner ce handicap apparent en se tournant vers l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables.
Un choix très judicieux puisqu’au dire de la plupart des experts en la matière, compte-tenu à la fois de la raréfaction des énergies fossiles et des progrès technologiques en cours dans le monde des énergies renouvelables, le coût de l’énergie conventionnelle devrait rattraper celui de l’énergie produite de façon renouvelable au plus tard en 2019.
Dès 1985, la Tunisie a créé l’Agence Nationale des Energies Renouvelables, devenue aujourd’hui l'Agence
Nationale de la Maîtrise de l'Energie (ANME)
Des actions de maîtrise de l’énergie et de développement des énergies renouvelables ont déjà été mises en œuvre en Tunisie grâce au travail de l’ANME, et en 2007, ce sont 8% de la consommation énergétique nationale qui ont pu être économisés.
Entre 2008 et 2011, un programme quadriennal pour la maîtrise de l’énergie se fixe pour objectif de réduire la demandez en énergie de 20% à horizon 2011 et d’atteindre 4% d’énergies renouvelables pour satisfaire la demande d’énergie électrique nationale.
Afin de renforcer cet effort national en matière d’énergies renouvelables après 2011, la Tunisie a établi un plan d’une grande ampleur encore, le Plan Solaire Tunisien.
Ce plan, inspiré du plan solaire méditerranéen mis en avant dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée, confirme l’ambition de la Tunisie de devenir une plate-forme internationale de production et d’exportation industrielle et énergétique, notamment pour l’énergie solaire. 3600 millions de Dinars Tunisiens (soit 2 Milliards d’Euros) seront consacrés à ce Plan, englobant 1/3 de fonds publics et presque 2/3 de fonds privés, avec une petite part complémentaire de financements issus de la coopération internationale (Plan Solaire Méditerranéen, Fonds pour l’Environnement Mondial, Banque Mondiale, UE, coopération allemande…).
L’objectif du Plan Solaire Tunisien est d’atteindre une réduction globale de la consommation énergétique nationale de 22% en 2016. Ainsi, 1 300 000 Tonnes de CO2 seraient évitées chaque année, et revendues sur le marché du carbone, permettant de dégager des fonds supplémentaires pour investir dans les énergies renouvelables.
Au total, ce sont une quarantaine de projets qui sont englobés dans le Plan Solaire Tunisien, se répartissant dans plusieurs domaines : solaire mais aussi éolien, efficacité énergétique, biomasse,…
Pour illustrer cette démarche, voici quelques exemples de projets inscrits dans le Plan, chacun de nature et d’envergue différentes :
-Promotion de l’utilisation du solaire thermique pour le chauffage de l’eau dans les résidences collectives (telles que les hôtels de tourisme) ;-Optimisation énergétique de l’aménagement de la gare de Sousse ;
-Réalisation d’une unité de fabrication de panneaux photovoltaïques ;
-Réalisation d’un parc éolien dans la région de Bizerte ;
-Promotion des Lampes Basse Consommation ;
-Equipement de 10 stations-services en photovoltaïque ;
-Application des technologies du séchage solaire dans l’industrie agroalimentaire ;
-Remplacement des réfrigérateurs de plus de 10 ans ;
- Production d’électricité par la valorisation des fientes de volailles…
-Projet « Soleil de Nefta » : Il s’agit ici de redynamiser l’oasis de Nefta (5 000 familles) en en faisant une ville intégralement électrifiée grâce aux énergies renouvelables et notamment solaire.
L’idée est de faire de Nefta un lieu de renommée internationale, avec une dynamique industrielle tournée vers l’énergie solaire, tout en développant un tourisme écologique. Le projet va bien au-delà d’une simple promotion des énergies renouvelables, c’est aussi un projet global de développement d’une région pour lors peu attractive.
Cela dit, il nous semble important de faire remarquer ici que la logique d’internationalisation du marché de l’énergie peut apparaître dangereuse dans la mesure où ce sont toujours les pays détenteurs de capitaux qui mènent la danse…
Et ces derniers seront alors peu incités à améliorer leur efficacité énergétique. Cette démarche, même si dans le cas de la Tunisie elle peut sembler prometteuse, est bien loin de l’idée que l’on se fait de la sobriété et de l’autonomie énergétique des citoyens.
A Gabès, dans le sud de la Tunisie, nous avons rencontré M. Ben Amor, directeur de l’agence régionale de l’ANME. L’occasion d’évoquer la situation énergétique du gouvernorat de Gabès, et les perspectives en matière de l’énergie et de développement des énergies renouvelables.
Pourquoi l’ANME a-t-elle décidé d’avoir une agence à Gabès ?
La région de Gabès est assez excentrée par rapport à Tunis, et certains villages du gouvernorat sont même plutôt difficiles d’accès en raison du désert. Il a donc semblé pertinent d’ouvrir à Gabès une antenne régionale de l’agence, afin d’être au plus près des projets et de leurs acteurs, de suivre leur mise en œuvre et de répondre au mieux aux besoins locaux.
Et puis l’antenne régionale permet également de mettre en place des actions de sensibilisation à l’efficacité énergétique et à l‘installation des énergies renouvelables. L’agence organise ainsi chaque année de grandes campagnes de sensibilisation à l’occasion de journées spécifiques en direction de groupes cibles, en particulier les entreprises de la région.
Enfin, tout au long de l’année, des actions de communication et de sensibilisation sont menées en direction des particuliers.
Quels sont les projets
déjà mis en place dans la région en matière de maîtrise de l’énergie et
de développement des énergies renouvelables ?
En premier lieu, un des principaux domaines d’action de l’ANME dans la région de Gabès concerne l’électrification rurale grâce à l’énergie solaire. Certains villages étant, comme je vous le disais, très difficiles d’accès, l’implantation de petits modules photovoltaïques pour les habitants permet d’apporter de l’électricité pour les besoins quotidiens : éclairage, petit matériel électroménager et Hi-fi (radio, TV noir et blanc).
Cet apport se fait gratuitement pour les villageois. Si ces derniers souhaitent raccorder davantage de matériel, ils doivent en revanche payer leur consommation électrique supplémentaire. Ensuite, l’utilisation du photovoltaïque sert dans la région à alimenter des pompes à eau, élément ici indispensable pour abreuver les animaux notamment.
De même, une centrale de dessalement de l’eau par l’énergie solaire a également vu le jour à 150 kms de Gabès. L’ANME œuvre également à la diffusion du solaire thermique en favorisant l’implantation de chauffe-eau solaires pour les particuliers et les installations collectives. Chaque année, ce sont 100 000 m² de capteurs thermiques qui sont implantés.
Une trentaine de sociétés privées spécialisées dans le domaine ont vu le jour dans la région de Gabès. Enfin, les entreprises ne sont pas en reste de cette dynamique, et un système d’audits énergétiques a été mis en place pour trouver les failles de la consommation énergétique de ces entreprises, en vue de les combler.
Y a-t-il un système d’aides financières de la part de l’Etat en faveur des installations d’énergies renouvelables ?
Oui, l’Etat soutient financièrement les acteurs qui décident d’investir dans une installation solaire. Concernant les chauffe-eau solaires, l’Etat octroie 40% de subventions sur les coûts d’installation pour les particuliers, mais aussi les sociétés telles que les hôtels de tourisme.
Dans le cadre de l’électrification rurale par le solaire, l’Etat prend en charge l’intégralité des coûts de ces mesures. Enfin les entreprises qui se lancent dans un audit énergétique se voient octroyer une aide de 50% sur le coût de l’étude, puis de nouveau 50% sur les coûts d’installation découlant de cet audit.
Quelles sont les perspectives pour la région en matière d’installation d’énergies renouvelables ?
L’ANME a décidé d’orienter sa stratégie pour les années à venir sur la production d’électricité par le photovoltaïque.
L’idée est de pouvoir vendre et exporter de l’électricité propre, tout en revendant su le marché du carbone les quantités de CO2 économisées grâce au développement de l’énergie solaire en Tunisie.
Cependant, pour pouvoir pleinement participer à cette dynamique, la région de Gabès est à la recherche de partenaires internationaux pouvant transférer leurs compétences en matière de production de panneaux photovoltaïques.
Car pour lors, l’ensemble des panneaux implantés dans le pays sont fabriqués hors du pays, et même je dirais hors d’Afrique. La région de Gabès souhaiterait remédier à cette situation et devenir le premier fabricant de modules photovoltaïques en Afrique, en vue d’en faire profiter ses voisins.
Qu’en est-il de l’énergie éolienne, du biogaz, ou encore du biocarburant ?
La production de biogaz, de même que celle du biocarburant, nécessite un ajout d’eau en grande quantité lors du processus de production. La région de Gabès souffrant déjà d’un manque d’eau récurrent, ces deux techniques offrent peu de perspectives ici.
Quant aux éoliennes, il est vrai que le Golfe de Gabès présente un énorme potentiel en la matière, tous les experts le disent.
Cependant, les associations environnementales s’opposent aujourd’hui à l’implantation massive d’éoliennes dans la région de Sfax et de Gabès. Une étude est en cours pour déterminer l’impact environnemental d’un tel projet dans le Golfe de Gabès.
En attendant, de petites éoliennes, produites à Matmata, sont en service dans la région, notamment pour le pompage de l’eau.
Pouvez-vous enfin nous décrire l’exemple du village de Ksar Ghilane ?Ksar Ghilane est une oasis reculée du gouvernorat de Gabès. En raison de cet éloignement, la Société Tunisienne de l’Electricité et du Gaz (STEG) ne pouvait financer le raccordement du village au réseau national. Il a donc été décidé d’implanter dans le village des panneaux photovoltaïques, qui satisfont aujourd’hui les besoins électriques de 70 foyers, d’une école et permettent d’alimenter une pompe à eau dont se servent les agriculteurs du village pour leur bétail.
Une petite station de dessalement de l’eau est également alimentée de cette manière, toujours pour satisfaire les besoins agricoles du village.
Le projet de Ksar Ghilane, qui bénéficie d’un appui technique d’un institut technologique espagnol, est un exemple de réussite, tant en matière énergétique que pour le développement et l’amélioration des conditions de vie de ses habitants.
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