Après la visite d’une délégation du Medef (plus de 60 chefs d’entreprise) conduite par Laurence Parisot en Algérie les 22 et 24 novembre, les rapports entre Paris et Alger n’ont pas connu d’évolution notable.
Signes de cette sourde tension : début octobre, Alger avait opposé une fin de non-recevoir aux demandes de Paris pour des visites en Algérie de Claude Guéant (bras droit de Sarkozy), du ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux et d’Éric Besson, le ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale.
En outre, selon Al Qods Al Arabi du 5 octobre, quotidien arabe basé à Londres, le président Bouteflika avait refusé de rencontrer Nicolas Sarkozy en marge des travaux de l’assemblée générale de l’ONU à New York, tandis que le chef de la diplomatie algérienne, Mourad Medelci, évitait tout contact avec son homologue français, Bernard Kouchner.
Les réticences françaises à signer un accord sur le nucléaire civil incluant une formation de cadres algériens et un transfert de technologies, le peu d’investissements directs français en Algérie considéré comme un marché d’écoulement de produits (automobiles, de pharmacie et agroalimentaires), au demeurant fabriqués par les entreprises françaises dans les pays voisins (Maroc et Tunisie), ont été jugés « inacceptables » par les autorités algériennes.
Qui plus est, les Algériens n’ont pas beaucoup apprécié la tentative française de faire pression sur eux par le biais de la Commission européenne, afin qu’Alger revienne sur les mesures protectionnistes prises en raison de la chute du prix du pétrole, mesures considérées comme une violation de l’accord de libre-échange signé en 2000 entre l’Algérie et l’Union européenne.
Vite résumé, cet accord devrait se traduire par un démantèlement total des accords tarifaires à l’horizon 2010 et ouvrir le marché algérien aux produits de l’UE.
Celle-ci s’engageant de son côté, via un programme de modernisation des entreprises algériennes, à permettre à ces dernières de faire face à la concurrence européenne.
Il n’en a rien été. Pire, des centaines de PME-PMI ont dû mettre la clé sous le paillasson, supprimant de fait des milliers d’emplois.
L’Algérie veut renégocier cet accord de libre-échange, estimant qu’il a été négocié dans des conditions défavorables. Selon le journal en ligne Tout sur l’Algérie (TSA), cet accord s’est traduit par 1,5 milliard de dollars de pertes fiscales pour l’Algérie à la fin juin 2009.
« Pour 1 dollar exporté vers l’Europe, l’Algérie importe pour 20 dollars », expliquait Cherif Zaâf, le négociateur algérien à l’OMC. Même le Forum des chefs d’entreprise (FCE, patronat algérien) a demandé une révision de certaines clauses et une évaluation des quatre années de la mise en application de cet accord.
De fait, une évaluation d’étape est prévue courant 2010, lors de la tenue du conseil d’association Union européenne-Algérie. En attendant, les pertes fiscales vont s’accroître d’ici à la fin 2009.
Dans ce contexte, les mesures prises par le pouvoir algérien afin que l’économie algérienne soit moins dépendante du pétrole et du gaz dans un contexte d’explosion des importations (plus de 40 milliards de dollars à fin 2008) léseraient principalement, selon Paris, les entreprises françaises.
Ainsi en est-il de la suppression du crédit à la consommation qui s’est traduite par une chute des ventes automobiles françaises sur un marché considéré comme le premier d’Afrique ; de l’obligation pour les entreprises étrangères présentes en Algérie de réinvestir, dans les quatre ans, les bénéfices des avantages liés aux investissements ; de l’obligation également aux nouveaux investisseurs d’ouvrir leur capital social à des partenaires publics ou privés algériens à hauteur de 51 %…
Des mesures qui contredisent l’accord d’association Algérie-Union européenne, lequel prévoit une totale ouverture du marché. En quittant Alger, la présidente du Medef a déclaré avoir pris « acte du changement de règles introduit par la dernière loi de finances » et qu’il faudra « s’adapter à ces nouvelles règles ».
Alléchés par le programme d’investissement (2009-2014), d’un montant de 150 milliards de dollars, les Français tout comme les Italiens et les Allemands, dont une délégation patronale s’est déplacée à Alger, veulent leur part du gâteau.
Ça mérite peut-être quelques entorses à l’accord d’association Union européenne-Algérie.
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