10 à 15 % de couples consultent au moins une fois dans leur vie pour infertilité primaire ou secondaire. Les infertilités du couple sont, dans une même proportion (1/3), d’origine masculine, féminine et mixte, et sont la cause de 22,7 % de divorce en Tunisie.
L’infertilité a été de tout temps considérée comme une malédiction. Souvent associée à une pathologie exclusivement féminine, l’infertilité a toujours nourri les stéréotypes, les faux-fuyants et les tabous.
Des déesses incarnant la fertilité, l’amour et la beauté, l’histoire humaine en a connu plusieurs. Ashtart chez les perses, El Uzza en Arabie préislamique, Demeter en Grèce…la femme a toujours dégagé dans l’imaginaire collectif cette force protectrice, garante de la perpétuation de l’espèce.
Dans la religion musulmane, la fertilité est tout aussi associée à la descendance d’Eve. Le prophète Mohamed recommandait aux musulmans : "Epousez les femmes affectueuses et fertiles, car je rivaliserai de votre nombre", rapporte un hadith.
Selon la tradition, "Abraham, père du monothéisme, a délaissé sa femme Sarra alors stérile, et s’est tourné vers Hajer, sa servante, pour avoir son premier enfant, Ismaïl, à l’âge de 93 ans".
Autant d’histoires qui ont agrémenté le cercle de la santé, dernier de la saison, organisé vendredi par l’Office national de la Famille et de la Population, autour du thème : "diminution de la fertilité humaine : approches biologiques et sociales".
Pr Ali Saâd, chef de Service du laboratoire de Cytogénétique et de Biologie de la reproduction à l’hôpital universitaire Farhat Hached de Sousse, définit l’infertilité comme étant "l’absence de conception après au moins 12 mois de rapports sexuels réguliers et non protégés".
10 à 15 % de couples consultent au moins une fois dans leur vie pour infertilité primaire ou secondaire.
Les infertilités sont à parts égales (30%) d’origine masculine, féminine, ou mixte et 10 % sont d’origine inconnue.
Pr Saâd a donné l’exemple du gouvernorat de Sousse : en 2008, on comptait 85000 couples en âge de procréation, 16000 couples ayant un désir de grossesse (22,5%) dont 1700 ont consulté pour infertilité.
Quelque 1500 couples, soit 88 %, sont inscrits pour une technique d’assistance médicale à la procréation.
Dans la région du centre (Sousse, Monastir et Mahdia), sur les 2500 couples qui viennent demander de l’aide, 2000 font l’objet d’une Procréation Médicalement Assistée (PMA).
Pr Saâd s’est attardé sur l’infertilité masculine, faisant constater, la diminution de la qualité du sperme (baisse de la concentration des spermatozoïdes, et de leur mobilité) au cours des cinquante dernières années en Tunisie.
Cette qualité a chuté de moitié passant de 113 M/ ml en 1944 à 66 M/ml en 1990. En 2008, sur 2539 spermogrammes effectués à Sousse sur des hommes, seuls 5 % sont normaux.
Le conférencier a tenu toutefois, à apaiser l’inquiétude de l’assistance. "60 millions de spermatozoïdes, c’est bon. Nous sommes dans les normes de l’OMS". Et d’ajouter : En Tunisie, on ne peut comparer la qualité de sperme d’hommes féconds, entre différentes périodes de temps, parce qu’on n’a pas de donneurs de spermes.
"Le don du sperme est interdit par la religion et par la loi". La comparaison se fait entre ceux qui viennent consulter", a-t-il précisé, se disant incapable, lui ou quiconque, de prévoir de quoi demain sera fait ? Il a répondu en ces termes à l’appréhension qui s’est emparée de la salle, quant aux menaces qui pèsent sur l’espèce tunisienne : "On ne peut pas savoir comment ça va évoluer.
Est-ce qu’il va y avoir une stabilité ?"
On a toujours pensé que l’infertilité est d’origine génétique. Probablement pas, explique Pr Saâd. "La génétique n’a pas changé, ce qui a changé c’est l’environnement".
En effet, les perturbations observées l’ont été chez des populations éloignées où la consanguinité n’est pas de mise. C’est plutôt l’influence de l’environnement qu’il faut incriminer. Les matières disséminées dans notre environnement portent un coup dur à notre système hormonal.
Dont les phtalates, une substance très utilisée dans les produits en plastique mou, les pesticides, les hormones en particulier les oestrogènes, les phytoestrogènes, et le tabac.
Dr Kamel Abdennebi, pneumologue et tabacologue, a évoqué les effets du tabagisme sur la fertilité. Le tabac demeure le premier facteur de stérilité chez les hommes.
Viennent ensuite les maladies infectieuses, les infections sexuellement transmissibles, le diabète, l’obésité et la sédentarité. La femme est, elle, beaucoup plus vulnérable et beaucoup plus addictive au tabac.
"Le tabac augmente le taux des cancers du sein, et des organes génitaux (ovaires, utérus), aggrave l’ostéoporose". Par ailleurs, 40 % des femmes enceintes fument avant la grossesse et 25 % continuent à fumer pendant la grossesse, a-t-il souligné. "Une femme qui fume met 2 fois plus de temps pour concevoir qu’une non fumeuse.
La cigarette augmente la souffrance fœtale. Le tabagisme passif est aussi dangereux pour la femme enceinte et prédispose à la mort subite du nourrisson, ou à la naissance de nourrisson avec la malformation de bec de lièvre".
Reste une révélation qui va encourager les futures mamans désireuses de choisir le sexe de leur bébé ; de délaisser ou de se mettre à la cigarette : les femmes qui fument ont plus tendance à avoir des filles.
L’âge est également un facteur déterminant. La fertilité de la femme diminue nettement à partir de 35ans, et s’estompe vers l’âge de 50 ans. Car, les stocks ovocytaires ne se renouvellent pas.
La qualité des ovocytes diminue avec l’âge et engendre plus souvent des embryons avec anomalies chromosomiques.
Quant à l’homme, sa fertilité diminue à partir de 50 ans, avec l’altération des caractéristiques du spermogramme et l’augmentation de la fragmentation de l’ADN des spermatozoïdes.
La stérilité s’explique également par des facteurs démographiques et sociaux, notamment le recul de l’âge au premier mariage, le célibat des femmes, la facilité du divorce et la disponibilité de contraceptifs de plus en plus efficaces, discrets et peu coûteux, comme l’a souligné Mahmoud Seklani, démographe.
L’infertilité est donc "un vrai problème de santé publique. Elle touche autant l’homme que la femme", a insisté Pr Saâd. Beaucoup de couples ne perdent pas, toutefois, espoir d’être parents un jour, en ayant recours à la Procréation Médicalement Assistée.
Entre 1500 et 2000 opérations de fécondation in vitro (FIV) sont effectuées chaque année dans les hôpitaux publics et les laboratoires privés en Tunisie. Mais, la chance de réussite demeure modeste, entre 15 et 25 %. La CNAM prend en charge trois tentatives.
Source : GlobalNet
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