Qui dit «stress hydrique» dira aussi «stress social».
Dans plusieurs régions du Maroc profond, des mouvements de grogne ont éclaté pour protester contre le manque d’eau, un danger qui guète humains, forêts et bétail. Même si le Sud et l’Oriental possèdent une longue histoire avec le manque d’eau, d’autres régions, supposées être à l’abri, sont dorénavant concernées (Fès, Abda, Doukkala…).
«Seuls les plus riches peuvent creuser des puits, les pauvres n’ont qu’à parcourir des kilomètres pour atteindre les points d’eaux», explique Mohamed El Arej, professeur universitaire et président de l’association Tasklout qui travaille dans le développement durable dans la région de Wawizeghet.
Pourtant, cette région est réputée être «le château d’eau du Maroc».
Dans la province de Taounate, plusieurs communes sont dans une situation difficile. Une personne par famille est dédiée à la recherche de l’eau. En moyenne, elle parcourt un trajet de 20 km pour rapporter entre 20 et 30 litres d’eau.
«Avec le bétail, on est obligé de faire ce trajet plusieurs fois par jour», regrette Ahmed Stitou, le représentant local de l’Association marocaine des droits de l’homme (AMDH).
Les communes rurales de Moulay Abdelkrim, Oued Ouergha, Beni Snouss et Moulay Bouchta restent les plus touchées dans cette province, ajoute notre source.
Et même pour les villages qui sont rattachés à un réseau d’eau potable, l’eau est imbuvable: cause en est la pollution de l’eau de l’oued Sebou.
«Tous les égouts de la ville de Fès se déversent dans cet oued, et les populations sont branchées avec cette eau sans le moindre traitement préalable», martèle-t-il avant d’ajouter: «Même le bétail refuse de la boire à cause des odeurs».
Dans la région Abda, des centaines de personnes ont manifesté durant le mois de juillet contre l’infection des nappes phréatiques.
Les manifestants comptent poursuivre leurs protestations contre «la négligence de l’Office chérifien des phosphates (OCP)», qui est, selon eux, la première cause de la pollution des eaux souterraines.
« Une personne âgée de 80 ans a aussi trouvé la mort durant une manifestation à cause de la chaleur étouffante», informe Khadija Ryadi, présidente de l’AMDH. «A cause du niveau très bas des précipitations enregistrées durant l’année en cours, les puits se sont asséchés, et les habitants n’ont pas collecté assez d’eau dans les citernes souterraines», explique Aziz Ait Elkadi du douar Taouloukoult dans la région d’Imintanout.
Dans cette région, un commerce s’est développé profitant de la pénurie d’eau. «Plusieurs camions sillonnent la région et vendent de l’eau dans des citernes», ajoute-t-il. Le prix est évalué à 50 DH la tonne.
Le Maroc a, depuis longtemps, essayé de gérer l’offre de l’eau. «Il est temps pourtant de gérer la demande», estime Mokhtar Jaait, chef de la division des ressources en eau à l’Office national de l’eau potable.
Il est aussi temps de revoir la stratégie marocaine en matière de tourisme. «Il est inconcevable de continuer de construire des golfs de plusieurs hectares, alors que les populations pauvres ont du mal à trouver de l’eau potable pour elles-mêmes», ajoute-t-il.
Le Maroc prévoit, dès 2009, un procédé de transfert du surplus des eaux excédentaires des bassins du nord vers ceux du sud. C’est la première fois que le transfert se fera de bassin à bassin.
Des études techniques ont été lancées ces derniers mois pour mener cette opération dans les plus brefs délais.
Ces «fleuves artificiels» permettront de réduire les inégalités entre régions en matière de ressources en eau.
Source : l'Economiste
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