Coincé entre le Nil et une des plus grosses artères de la capitale, l’hôpital universitaire de Qasr el-Aini est une fourmilière.
Un flot humain entre et sort sans discontinuer du bâtiment. Aux alentours, les pharmacies et les boutiques de matériel médical ne désemplissent pas : c’est à qui viendra acheter les seringues, plâtres, cathéters ou médicaments nécessaires aux soins.
Largement insuffisant, le budget des hôpitaux publics ne leur permet pas en effet de maintenir des stocks conséquents : les patients doivent fournir le matériel dont le médecin a besoin s’ils veulent être soignés à temps - y compris le sang pour les transfusions.
Au bout du compte, seule la consultation du médecin est réellement gratuite. Une consultation le plus souvent expéditive, pour tenter d’écouler ces files d’attentes toujours plus longues, dans des couloirs sordides aux allures de cour des miracles.
Pas étonnant que pour la plupart des Egyptiens, l’hôpital public soit souvent synonyme de mouroir. Négligences fatales, erreurs, matériel vétuste : depuis la nomination, en 2005, du ministre de la Santé Hatem el-Gabaly, les plaies du système de santé sont régulièrement pointées du doigt par les médias autant que par le ministre lui-même.
Bon connaisseur du milieu hospitalier, celui-ci est copropriétaire et ancien directeur de l’hôpital Dar el-Fouad, un des établissements privés les plus huppés et réputés du pays. Un médecin doublé d’un businessman, à qui beaucoup prêtent l’ambition de privatiser le système de santé national. Faux, soutient le ministre qui prévoit une réforme générale d’ici à 2011.
Mais pour permettre aux pauvres de continuer à bénéficier de soins gratuits, explique-t-il à la presse, les autres devront participer aux dépenses…
Avec un budget d’un peu plus d’un milliard d’euros pour 81 millions d’habitants, le ministère de la Santé est en effet loin des standards minimums préconisés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Une somme qu’il faudrait au minimum doubler, constate le ministre.
Déjà asphyxié par les 9 milliards d’euros engloutis cette année dans les subventions gouvernementales à l’alimentation ou au carburant, l’Etat égyptien a choisi de céder aux sirènes du privé, qui devrait participer au financement de cinquante nouveaux hôpitaux.
Au grand dam de ceux qui dénoncent la mainmise du monde des affaires sur le gouvernement, et des citoyens, qui n’ont plus aucune confiance dans le système de santé.
Source : Libération
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