A Casablanca, la capitale économique du Maroc, on voit de plus en plus de kissarias (magasins) tenus par des Chinois.
A Casablanca, la capitale économique du Maroc, on voit de plus en plus de kissarias (magasins) tenus par des Chinois.
Alors que certains commerçants marocains se plaignent de ce qu'ils considèrent comme une concurrence déloyale sur les prix et de la mauvaise qualité des marchandises proposées, le gouvernement s'efforce d'imposer des contrôles.
Les centres commerciaux traditionnels de la capitale économique du Maroc sont investis par un nombre de plus en plus important de commerçants chinois, redoutables concurrents pour les commerçants locaux.
Les Chinois sont arrivés à se faire une place dans le plus grand quartier commercial au Maroc, Derb Omar, chef lieu des commerçants berbères que l'on croyait indétrônables.
Commerçants marocains de Derb Omar, Benjdia et Garage Allal avaient commencé à se rendre en Chine il y a plusieurs années pour y acheter des marchandises.
Conscients du potentiel de ce marché lointain, les Chinois décidèrent de créer un Chinatown au Maroc en 2004.
Les produits asiatiques se vendent aujourd'hui comme des petits pains dans tout le Maroc.
"Il y a quatre ans, les gens disaient que l'on pouvait trouver des produits chinois plus ou moins partout", explique un vendeur de tissus de Derb Omar à Magharebia.
"Aujourd’hui, on dit que les Chinois eux-mêmes se trouvent dans les plus grands marchés marocains."
Et il ajoute : "Ils se sont installés essentiellement à Derb Omar, Derb Benjdia et Derb Soultane, dans des centres commerciaux où une grande partie des marchandises provient d'autres souks marocains."
"Ils envisagent même de faire la même chose dans d'autres villes comme Marrakech, Safi et Laâyoune", explique Khalid, un jeune licencié en littérature anglaise qui travaille pour un commerçant chinois.
Les kissarias chinois, que l'on trouve habituellement dans les quartiers populaires, proposent un large éventail de marchandises : sandales, jouets, ustensiles de cuisine, appareils électroménagers, détergents, habits, meubles. Rien de spécial donc, si ce ne sont les prix.
Des sandales qui se vendent ailleurs plus de 80 dirhams, coûtent moins de 30 dirhams dans les magasins chinois.
Les jouets se vendent pour 15 dirhams et les gadgets environ 10 dirhams. Rien de surprenant donc à ce que les visiteurs ne ressortent jamais les mains vides.
"Ces commerçants chinois ne se sont pas installés à Derb Omar et à Derb Soultane par hasard", explique Ismail Berrada, un commerçant qui vend des articles importés de Chine et de Turquie.
"Ils ont soigneusement étudié les lieux.
" Une cinquantaine de boutiques sont louées par des Chinois dans un nouvel immeuble du quartier commercial Derb Omar, baptisé le "centre commercial chinois".
Dans les ruelles avoisinantes, plusieurs autres boutiques sont gérées par les Chinois.
Ces commerçants chinois utilisent un certain nombre de techniques de vente efficaces. D'abord, ils sont arrivés en même temps sur le marché et ont lancé leurs opérations au même endroit.
Ils ont donné la priorité à la vente en gros et certaines de leurs boutiques ne vendent qu'à des détaillants et des grossistes.
Ils ont par ailleurs mis en place une solution très efficace au problème de la langue. Pour communiquer avec leurs clients, les Chinois embauchent des Marocains – essentiellement des jeunes filles sensibles à la mode – comme assistants.
Dalal, une jeune fille de 18 ans qui travaille pour un détaillant chinois, explique à Magharebia que les Chinois préfèrent embaucher des jeunes femmes présentables, parlant de préférence français, anglais, voire les deux.
Ces assistants semblent être plus que de simples intermédiaires entre le commerçant chinois et ses clients, ils arrivent à se faire un peu d'argent en marchandant entre le prix proposé par le commerçant et le prix que les clients sont prêts à payer.
"C’est comme ça que nous arrivons à avoir une somme suffisante à la fin du mois. Les commerçants chinois nous paient 50 dirhams par jour. Grâce à nos clients, nous arrivons à toucher entre 100 et 300 dirhams par jour", explique Dalila.
Ces assistants marocains sont arrivés à tisser leur propre réseau de clients favoris, qu’ils informent dès qu’une nouvelle marchandise est introduite sur le marché par les Chinois.
Les grossistes chinois de Derb Omar, eux aussi, ont constitué leur réseau et se passent les informations concernant les prix des marchandises, les produits les plus sollicités, les points de ventes les plus prisés.
Les Chinois ont sans aucun doute connu un succès monstre au Maroc, mais les commerçants locaux espèrent que les consommateurs marocains ne vont pas tarder à réaliser que les prix alléchants des produits chinois ne sont pas sans contrepartie.
Alors que les commerçants marocains subissent la concurrence des faibles prix proposés par leurs concurrents chinois, ils notent que l'enthousiasme pour le "Made in China" baisse et que les clients commencent à se plaindre de la mauvaise qualité des produits.
"[Les acheteurs] reviennent avec un article en pièces pour demander un remboursement ou un échange", explique un commerçant qui s'approvisionnait chez les Chinois.
"C’est ce qui explique que dans la plupart des boutiques chinoises, des panneaux indiquent "Les articles achetés ne sont pas repris' ", explique-t-il.
Les commerçants chinois profitent du fait que leurs meilleurs clients revendent leurs articles dans les souks ruraux.
Mais certains commerçants chinois commencent à connaître des difficultés avec les douanes. Selon Ahmed Khomssi, un transitaire, plusieurs envois de marchandises ont déjà été saisis.
Le Ministre de l'Industrie, du Commerce et des Nouvelles Technologies Ahmed Reda Chami confirme que ses services "procèdent à des contrôles des marchandises importées conformément aux dispositions juridiques et aux critères obligatoires".
Il ajoute : "Les produits non conformes à ces critères sont interdits d’entrée sur le marché marocain.
" En 2007, précise-t-il, "ce sont plus de 3 421 échantillons qui ont ainsi été contrôlés".
Les jouets importés de Chine ont récemment suscité une vaste controverse quant à leur sécurité pour les enfants, mais selon M. Chami, le ministère a renforcé ses contrôles sur ces articles.
"Tout article qui ne répond pas aux exigences de sécurité imposée ne peut être importé", explique-t-il.
Un nouveau projet de loi concernant la qualité des marchandises et des services industriels importés est également "à l’examen auprès du secrétariat général du gouvernement", ajoute-t-il.
En dépit des efforts du gouvernement pour imposer des contrôles, le nombre de ces nouveaux commerçants continuera d'augmenter dans le royaume.
"Les Chinois ont encore de l’avenir au Maroc, car ils sont persévérants", explique Mohamed Sadikki, de la faculté de sciences économiques de Casablanca, "et ils se contentent d’une marge bénéficiaire très réduite sur chaque article."
"C'est ce qui leur permet de battre tous leurs concurrents."
Source : Magharébia
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