Un chalutier tout neuf de construction turque a coulé près des côtes oranaises alors qu’il revenait d’Espagne où il est allé effectuer des réparations urgentes. Simple accident ? Non, une belle arnaque !
Un chalutier tout neuf de construction turque a coulé près des côtes oranaises alors qu’il revenait d’Espagne où il est allé effectuer des réparations urgentes. Simple accident ? Non, une belle arnaque !
En fait, ils étaient deux bateaux appartenant à des armateurs d’Oran. Les deux navires sont sortis quelques semaines auparavant des chantiers navals turcs, mais sans les indispensables treuils pour remonter les chaluts.
Leurs propriétaires ont alors décidé de faire achever le travail en Espagne et c’est au retour de ce voyage que l’un d’eux a coulé pour des raisons qui n’ont pas été déterminées. Fort heureusement, l’autre bateau qui suivait à faible distance a pu secourir l’équipage.
Les chantiers navals turcs se sont payés la part du lion dans les plans de relance économique du secteur de la pêche. Les sociétés de construction navale turques qui ont participé aux différents salons de la pêche et de l’aquaculture à Alger ont tout raflé.
Un carnet de commandes de près d’une centaine d’unités, selon les informations que nous avons pu rassembler. Les armateurs, rarement des professionnels — et c’est là le drame —, qui ont souscrit à la politique du ministère de la Pêche et des Ressources halieutiques pour le redéploiement de la flottille, ont avancé 30% du prix du bateau, jusqu’à 7 milliards de centimes l’unité, la BADR a fourni 30% aussi, remboursables à faible taux, et le reste, 40%, est apporté par le Trésor public.
A ce jour, rares sont les contrats passés entre les hommes d’affaires algériens et les constructeurs turcs qui ont été honorés sans difficultés. A l’heure qu’il est, des armateurs algériens attendent dans le dénuement total à Istanbul de pouvoir récupérer leur bien. Ils ont commandé des navires à des sociétés turques qui n’existent pas.
D’autres constructeurs, ceux qui existent, ont usé, eux, de stratagèmes déloyaux pour se soustraire à leurs obligations, comme celui, le plus couramment employé, de déclarer faillite en faisant en sorte de saisir le bateau en chantier pour pouvoir le revendre sans être inquiétés.
On se souvient aussi du constructeur du groupe turc ANA qui, en mars dernier, a retenu en otages 30 chalutiers algériens sur les 45 qui lui ont été commandés contre une forte rallonge du prix pourtant déclaré ferme et non révisable. Cette société, qui avait élu domicile à El Aurassi, a, une fois les contrats signés, disparu, laissant derrière elle des factures de loyer et de téléphone.
Elle a obtenu ce qu’elle exigeait. Les rallonges ont été accordées au cas par cas, racontent nos interlocuteurs qui avouent aussi avoir eu recours à des moyens pas très honnêtes pour se sortir de ce guêpier où ils ont été poussés, disent-ils, par des conseillers attitrés au ministère de la Pêche et des Ressources halieutiques et à la BADR.
Cette affaire, qui a soulevé quelques vagues dans le sérail, aurait trouvé une issue en dépêchant le secrétaire général du ministère de la Pêche et des Ressources halieutiques à Istanbul via Paris, officiellement pour une conférence sur le lait et la viande bovine, mais surtout pour proposer aux Turcs en guise de compensation une prise d’intérêt dans la pêche au thon sur le quota alloué à l’Algérie.
Les armateurs, qui ont, malgré tout, réussi à se faire livrer leurs bateaux, ne sont pas logés à meilleure enseigne.
Les informations que nous avons pu réunir font état d’une trentaine de chalutiers, de sardiniers et de thoniers d’origine turque flambant neufs qui sont en panne dans différents ports du pays. Les pannes touchent les organes vitaux, le moteur, le treuil, la coque.
Le plus souvent, les moteurs ne sont pas neufs. Ce sont des moteurs usagés qui ont été rénovés. Les treuils ne sont pas installés ou de petit gabarit incapables de tirer le chalut. Les coques en acier comme le stipule le cahier des charges techniques sont remplacées par des coques en plastique.
Ces transformations se font, bien entendu, avec le consentement des armateurs qui empochent une partie de la différence de prix qui peut atteindre un milliard de centimes. Car dans cette colossale arnaque algéro-turque, constructeurs fantoches, armateurs occasionnels et rabatteurs en col blanc se sont ligués pour s’enrichir à profusion avec la manne providentielle du plan de relance économique.
En revanche, la BADR, elle, est tenue de rendre des comptes, à cause du syndrome de l’affaire Khalifa, et d’exiger les remboursements rubis sur l’ongle. Et c’est là que ça grince, car les bénéficiaires de ses largesses ont bien des bateaux mais ils sont en panne donc qui ils ne travaillent pas.
Ces armateurs d’un jour, acculés, n’avaient plus qu’une solution : vendre le bateau. C’est pour cette raison qu’il y a en ce moment un thonier et des chalutiers en vente sur internet.
Mais il y a encore plus futé, ajoutent nos interlocuteurs : prendre une solide assurance et couler le bateau. Il suffit pour cela de trouver un assureur qui joue le jeu.
Pour le ministère de la Pêche et des Ressources halieutiques : « Il s’agit là de transactions commerciales entre opérateurs économiques dans lesquelles le ministère ne s’ingère pas. Les armateurs sont libres de prendre le constructeur de leur choix et à chacun d’eux d’assumer les conséquences de sa décision », explique le chargé de la communication.
« On a accordé des crédits à tort et à travers et à des gens qui n’ont rien à voir avec le métier. On a distribué l’argent facile du pétrole et ceux qui le faisaient se sont servis copieusement au passage », expliquent de vieux loups de mer qui se demandent d’où est sortie cette foule de prétendus armateurs qui s’est invitée dans pêche.
Beaucoup d’anciens responsables et dirigeants qui se sont convertis sur le tard dans l’affairisme mais ont gardé leurs entrées dans les sphères qui distribuent la rente. Sur les quais, en revanche, rares sont les patrons de pêche ou armateurs avérés et reconnus qui se sont laissé envoûter par le chant des sirènes du ministère de la Pêche et des Ressources halieutiques.
Ceux qui l’ont fait ont pris la décision, au risque de s’user à l’épreuve de la bureaucratie, de ramener des bateaux italiens, français ou espagnols.
Leur seul problème actuel est de trouver de bons équipages, qualifiés et compétents, pour faire tourner le bateau à plein régime.
Source : Afrik.com
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