La centrale de Zouk en pleine activité : la dépollution du pourtour de
la Méditerranée reste l’un des projets prioritaires de l’UPM. Photo Michel Sayegh
Depuis sa création en grande pompe, en présence des chefs d'État et de
gouvernement de 43 pays réunis en sommet à Paris le 13 juillet 2008, à
l'invitation de Nicolas Sarkozy et Hosni Moubarak, l'Union pour la
Méditerranée (UPM) demeure aux yeux du grand public un concept un peu
flou, une idée brillante, mais dont on ne mesure pas concrètement
l'impact sur le plan national, en particulier au Liban.
« Mettre en œuvre un partenariat renforcé autour de la Méditerranée »,
cela veut dire quoi exactement, pour les 275 millions d'habitants qui
peuplent le bassin méditerranéen ?
Ministres et experts se réunissent
régulièrement pour définir les projets de développement dans les pays
concernés, des appels d'offres sont lancés, et tout cela se passe dans
la discrétion, loin de tout battage médiatique.
« Nous n'avons pas
beaucoup travaillé la communication », concède Antoine-Tristan
Mocilnikar, responsable des questions « Environnement et Développement
durable » de l'UPM à la présidence de la République française.
Dans son
bureau de l'avenue Marigny, il reçoit L'Orient-Le Jour afin d'expliquer
le rôle et les avancées de l'Union pour la Méditerranée, et en quoi un
pays comme le Liban est concerné.
Dans la dernière semaine de novembre,
une réunion des ministres de l'Environnement des pays de l'UPM se
tiendra à Dubrovnik, afin de faire le point sur 73 projets de
développement qui concernent les pays suivants : l'Algérie (1 projet),
l'Égypte (8 projets), Israël (1 projet), la Jordanie (9 projets), le
Liban (4 projets), le Maroc (5 projets), la Syrie (2 projets), les
territoires palestiniens (3 projets) et la Tunisie (8 projets).
Les domaines prioritairesUne première réunion
ministérielle, tenue en juin 2009 à Paris, a traité des enjeux
essentiels pour l'environnement : l'eau, les transports, l'énergie, le
développement urbain et l'agriculture. Six domaines concrets d'action
prioritaire ont été définis :
- La dépollution de la Méditerranée.
- Les autoroutes maritimes et terrestres.
- Le développement de l'énergie solaire (Plan solaire méditerranéen).
- L'enseignement et la recherche.
- La protection civile.
- Le développement des Petites et moyennes entreprises.
Les principaux bailleurs de fondsCe sont : la
Banque européenne d'investissement (BEI), l'Agence de développement
allemande (KFW), l'Agence française de développement (AFD) et la Banque
mondiale.
Elles ont identifié les 73 projets prioritaires en
travaillant avec les gouvernements européens du pourtour méditerranéen
et la convention de Barcelone sur les questions de dépollution de la
Méditerranée, ainsi qu'avec des institutions financières
internationales comme la Banque mondiale. Coût total des projets : 5,2
milliards d'euros.
« Sur 73 projets, 45 ont déjà un financement
sécurisé ou en voie de finalisation », comme l'indique Antoine-Tristan
Mocilnikar, « ce qui correspond à 3,4 milliards d'euros ».
À
Dubrovnik, ces quatre institutions financières internationales vont
communiquer l'état d'avancement des projets. Les ministres de
l'Environnement des 43 pays présents à la réunion feront leurs
remarques et diront ce qui leur convient dans ce grand chantier.
Le rôle de l'UPM
« On
met tout le monde autour de la table : les gouvernements, la BEI, les
porteurs de projets », explique M. Mocilnikar. « C'est l'UPM qui a
mandaté la BEI pour identifier les projets. Puis il faut gérer ces
projets.
La BEI a ainsi travaillé avec MedPol, par exemple, le Centre
d'action régional de la convention de Barcelone, qui s'occupe de la
dépollution, et d'autres ONG. »
L'UPM a rajouté 40 autres projets dans les domaines Eau et Environnement.
Les projets et la place du Liban« Ce
sont essentiellement des projets de dépollution (déchets ménagers,
déchets industriels et traitement des eaux usées). Ils concernent la
plupart des pays arabes du pourtour méditerranéen : Algérie, Maroc,
Égypte, Liban.
« Certains sont en cours de démarrage, c'est le cas du
projet du Caire », précise le responsable français, qui ajoute : « Nous
avons un gros projet au Maroc pour la récupération d'eaux usagées et
l'optimisation de l'irrigation, et un autre gros projet
Maroc-Tunisie-Jordanie sur la gestion de la demande en eau. »
Au
Liban, les projets concernent les régions du Kesrouan, du Liban-Nord et
du Grand-Beyrouth. Ils totalisent un montant de 294 millions d'euros.
Ensuite, deux autres projets sont en cours :
-
À la demande de l'Unesco, la France est en train de mettre en place un
centre régional d'alerte au tsunami pour la Méditerranée.
- Sous
l'impulsion de la Banque mondiale, un réseau de procureurs et
d'enquêteurs pour la lutte contre la pollution volontaire en
Méditerranée est mis en place.
À Lyon, et avec le soutien
financier du ministère français de l'Écologie, les collectivités
locales de la Méditerranée devaient mettre en avant des projets
exemplaires, au nombre de six, qui sont en cours de démarrage : en
Algérie, la sauvegarde de l'écosystème environnemental lié à
l'urbanisation de Sétif ; au Liban, le renforcement de la capacité sur
le dossier de l'eau ; en Espagne, la récupération de l'eau douce dans
la mer à Valence ; en Syrie, le schéma directeur urbain sur la
dimension Eau à Lattaquié, Alep et Hama ; dans les territoires
palestiniens, l'élaboration d'un schéma d'eau et d'assainissement à
Jéricho ; au Maroc enfin, l'amélioration et l'efficacité dans l'usage
de l'eau à Souss-Massa-Drâa.
Et Antoine-Tristan Mocilnikar de
poursuivre : « Il y a aussi 150 projets sur la table pour le Plan
solaire méditerranéen. Ces listes seront validées par l'ensemble des
pays. Le Maroc, la Tunisie, l'Égypte et la Jordanie nous ont communiqué
leurs priorités en matière d'énergie solaire. Nous attendons que le
Liban, la Syrie, la Turquie et l'Algérie nous communiquent les leurs.
Nous sommes par ailleurs très avancés dans le bouclage financier de
centrales photovoltaïques au Maroc, en Tunisie, en Égypte et en
Turquie, de deux centrales éoliennes en Turquie et d'une centrale
éolienne en Syrie. Ces projets seront annoncés dans les semaines qui
viennent. Une centrale éolienne au Maroc et une autre en Turquie sont
en cours de construction. En Tunisie, il y a 200 pompes destinées à
l'irrigation et alimentées par des panneaux solaires. »
Le
responsable français souligne qu'une grande réunion aura lieu en
février 2010, au Caire, sur les projets solaires. Pour ce qui est du
Liban, il précise qu'il y a deux projets : le contournement ferroviaire
autour de Tripoli, à Chekka, et le port de Jounieh, où il s'agit de
permettre aux bateaux de croisière jusqu'à 250 m de s'amarrer.
L'engagement françaisLa
France va mettre des prêts à hauteur de 20 millions d'euros par an sur
l'éolien, 50 millions d'euros sur la concentration solaire, 40 millions
d'euros sur le photovoltaïque, et 50 millions d'euros sur d'autres
projets énergétiques. En tout, un milliard d'euros sur les cinq
prochaines années, telle est la contribution française sur le plan
méditerranéen.
« Les gouvernements garantissent la bonne exécution
des projets. La cour des comptes européenne contrôle l'argent donné par
la BEI.
Une fois qu'un projet est financé, son exécution se passe très
vite. La seule difficulté, ce sont les territoires palestiniens en
raison de difficultés politiques majeures.
Partout ailleurs,
l'exécution des projets commencera au plus tard au premier trimestre
2010. Dans les six mois qui viennent, les 45 projets agréés seront en
phase de lancement d'appels d'offres et de début d'exécution », affirme
Antoine-Tristan Mocilnikar.
« Il y aura une déclaration de principe,
un appel à ce qu'il y ait un accord important à Copenhague. Beaucoup de
projets de l'UPM sont liés au changement climatique. Dans le traitement
des eaux usées, par exemple, on fait de la récupération d'eau une
nécessité urgente, car beaucoup de régions en Méditerranée souffrent de
la rareté de l'eau », conclut-il.
Source : l'Orient-le Jour