Aucune guerre,
connue à ce jour dans le monde, n’a fait autant de
victimes que la route. Le bilan de ces 40 dernières
années est très lourd, les victimes tuées et
blessées se chiffrent par millions et les coûts par
dizaines de milliards d’Euro.
Le système moderne des transports routiers est très
complexe, tant par les éléments qui le composent que par
les différents usagers qui l’utilisent. L’accident
est le résultat d’un échec dans le système.
L’intérêt
mondial porté à la compréhension de ce
fléau depuis la fin du XXème siècle et la
promotion de la sécurité routière est largement
justifié.
Les pays non industriels comme l’Algérie
subissent aussi les conséquences de l’évolution de
la mobilité dans leurs sociétés exprimées
par les volumes de trafic ou par le nombre de déplacement.
L’expérience
des pays développés dans ce domaine est un exemple
à suivre. L’engagement politique doit être total en
faveur de la sécurité des transports des personnes et des
biens.
Cerner ce problème en Algérie, nécessite
l’adoption de tous les outils nécessaires matériels
et humains, une méthodologie scientifique rigoureuse et des
experts aguerris dans le domaine de la sécurité des
transports pour faire face à la progression de
l’insécurité routière.
La réduction
des accidents devra être un but stratégique et la
diminution des victimes devra être un objectif à atteindre.
Le
manque d’une politique claire en matière de lutte contre
l’insécurité routière et en matière
de gestion d’une mobilité, en plein explosion
entrainé par un parc automobile galopant, sont des facteurs
aggravant du risque routier.
L’avenir de
l’insécurité routière en Algérie ne
présage rien de bon et aucune amélioration ne devra
être attendue dans un futur proche.
Tout
phénomène complexe, tel que les accidents de la route,
nécessite une analyse par des experts spécialisés
dans le domaine pour l’expliquer, trouver les solutions et suivre
leurs applications sur terrain. Là, réside
l’urgence pour l’Algérie de créer un centre
national de recherche sur les transports et leur sécurité
qui sera un premier pas pour faire face à ce fléau.
L’Algérie
dépense périodiquement des sommes colossales dans des
études ponctuelles, le plus souvent réalisées par
des bureaux d’études étrangers qui ne connaissent
rien sur la société algérienne et moins encore la
réalité du terrain.
Ces études sont
limitées dans le temps et le plus souvent bâclées,
en conséquence ils ne contribueront jamais à
résoudre un problème aussi épineux que le
transport ou la sécurité routière.
Transposer
directement les expériences des autres pays ou faire des copies
de leur législation ou de leurs modèles a toujours
été un échec et n’a jamais réussi
dans aucun pays. L’Algérie dispose d’une certaine
expérience dans ce domaine, les tentatives engagées de
développer certains secteurs sur des modèles
importés ne lui a pas réussi (ni dans l’industrie,
ni dans l’agriculture, ni dans la science et la technologie et
moins encore lorsqu’il s’agit de comportement des
personnes).
Profiter de l’expérience des pays
développés serait souhaité à condition de
mettre à pied d’oeuvre des comités locaux
indépendants de surveillance pour cadrer le travail en fonction
des objectifs, car chaque pays a ses particularités, son
environnement propre et la mentalité de ces citoyens.
A
ce jour, on n’a pas encore découvert d’outil
efficace pour faire une comparaison à l’échelle
internationale. Le risque en sécurité routière se
mesure par rapport au nombre du kilométrage réel
parcouru, on obtient ainsi un indicateur qui pourrait nous permettre de
nous rendre compte du niveau du risque ou de l’intensité
du phénomène d’insécurité
routière dans notre pays.
Tous les autres indicateurs ne sont
que des approches grossières exprimant des taux (par exemple le
nombre d’accidents ou de victimes tuées ou blessées
par rapport au nombre d’accident total ou du parc roulant
léger ou lourd ou par rapport à la population ou par
rapport à la densité du réseau routier, ...).
Il
est clair que pour tout expert de la sécurité
routière, les statistiques des accidents de la route en
Algérie et leurs interprétations montrent un constat
très alarmant. En 2007, l’Algérie comptait 34,1
millions d’habitant et possédait un parc automobile de 3,7
millions de véhicules roulant sur un réseau routier
d’un linéaire de 109.452 km.
La même année,
les services de sécurité ont enregistré 39.010
accidents corporels qui ont eu pour conséquence 4.177 personnes
tuées et 61.139 autres blessées dont plus de 3 mille en
état grave. Le coût total de
l’insécurité routière est estimé
à plus de 1 milliard de dollar US par an.
Ce simple constat
place l’Algérie parmi les pays où le risque
d’accidents de la route est le plus élevé au monde.
La
lecture des chiffres ou des statistiques permet relativement de se
rendre compte facilement que les pays les plus riches maîtrisent
davantage le phénomène d’insécurité
routière que les pays pauvres.
En effet, Les pays du Sud
enregistrent un niveau de risque d’être tué dans un
accident de la route par rapport au kilométrage parcouru de 15
à 30 fois plus élevé que celui des pays
industrialisés, et seulement de 10 fois plus d’être
impliqué dans un accident de la route.
La gestion de la
sécurité du système de transport dépend de
la disponibilité, de la qualité des données des
accidents de la circulation et des méthodes utilisées
dans l’analyse.
En Algérie, le sous-report et le manque de
données désagrégées des accidents de la
circulation limite le niveau de détail, néglige beaucoup
de facteurs et réduit les possibilités d’analyse
réelle des accidents de la route.
En effet, les
données des accidents de la route et le nombre de victimes sont
l’objet de sous-déclaration, qui sont due :
º
soit aux procès-verbaux non exhaustifs des accidents
élaborés par les services de sécurité :
certains facteurs importants ne figurent pas dans ces procès,
º
soit aux modèles d’enquêtes d’accident : les
circonstances du déroulement de l’accident rapporté
sont subjectives en l’absence d’une analyse rigoureuse des
événements précédant l’accident,
º
soit encore à la complexité du suivi de
l’état de santé des victimes des accidents de la
circulation : absence de fichier de suivi des blessés de la
route au niveau des urgences des hôpitaux,
º soit aux
accidents non rapporté par ces services : les procédures
font que certains accidents de la route ne sont pas
comptabilisés.
Le recueil, la qualité et
l’exactitude des données de la sécurité
routière dépendent dans une large mesure des moyens
utilisés dans le système qui les rapporte, des concepts
utilisés et des moyens mis en œuvre.
Les moyens
matériels et humains consacrés dans les pays
développés à cette tâche sont à la
hauteur de l’importance de ces données pour une meilleure
compréhension du phénomène.
L’analyse
des statistiques algériennes des accidents de la route, durant
les 40 dernières années (1970-2007), montre une
évolution soutenue du risque routier. Le constat est que
l’Algérie possède un niveau de
l’insécurité routière inquiétant, le
nombre des accidents corporels et des victimes continuent toujours leur
progression.
La baisse du risque dans la période 1991-1994 est
exceptionnelle et s’explique par la chute de l’exposition
(volume du trafic) due la situation sécuritaire de
l’époque.
Etat de la situation de sécurité routière en
Algérie au cours des années 2000 (2000-2007), il y a une
nette amélioration du réseau routier, un rajeunissement
du parc automobile visible, un renforcement dans les lois de la
sécurité routière en faveur de la
répression, une meilleure formation des agents de
sécurité, un effectif et des moyens matériels
modernes et importants mis à disposition, des plans de
prévention périodique...
Par contre, la
réalité en chiffres est là
représentée par les graphiques suivants qui montrent bien
une tendance claire vers une progression de l’exposition et du
nombre d’accidents et de victimes. Les scénarios les plus
optimistes aboutissent tous à une aggravation de la situation
dans le futur.
Toute étude de l’accidentologie,
durant cette période, montre que le niveau de risque
d’accident reste très élevé. En effet, si
l’on raisonne globalement, les conditions en faveur de la
sécurité routière ont été
multipliées par 3 en 10 ans, par contre, les accidents et les
victimes ont continué de progresser.
Le nombre des
accidents et des victimes aurait pu être plus lourd sans les
techniques modernes en matière de sécurité, en
effet, divers améliorations ont été
apportées à la sécurité du système
de transport routier et en particulier à la triade du risque,
à savoir : la route (conception, matériaux et normes,
signalisation horizontale, verticale et intelligente,...),
l’automobile (renforcement de habitacle, airbag, ABS,...) et les
conducteurs (niveau d’instruction, environnement, moyens de
simulation,...).
Les efforts entrepris par les pouvoirs publics
en matière de sécurité ont certainement
donné des résultats, pas ceux escomptés mais au
moins ils ont un peu ralenti la tendance.
Il est quasi certain que
l’on peut constater une amélioration de la
sécurité routière aujourd’hui à
travers la diminution dans le nombre d’un certain type
d’accidents, mais les principaux facteurs de risque sont toujours
là invisibles, mais peuvent surgir à tout moment.
Le
facteur humain est le plus souvent présenté comme le
premier responsable de l’accident, ceci n’est qu’une
analyse trop hâtive de la situation. Les autorités
responsables de la sécurité sur les routes
algériennes se dégagent de la responsabilité.
Ce
type d’analyse veut dire que les autorités ont les mains
liées et qu’ils ne peuvent rien faire étant
donné que les usagers de la route vont eux-mêmes vers le
suicide volontairement. Ce type de constat n’est qu’une
simple fuite à l’avant.
L’accident est le
résultat d’un enchaînement
d’événements, il se déroule suite à
des circonstances particulières où le risque de conflit
devient un risque d’accident qui s’achève par
l’accident lui-même. Les causes d’un accident sont
multiples et la principale cause responsable de l’accident ne
peut se déterminer que par une analyse minutieuse des
événements précédant l’accident.
Aucun spécialiste ne peut confirmer avec certitude que tel ou
tel facteur est le premier responsable des accidents de la route en
Algérie, en l’absence de données
désagrégées et fiables.
La situation est
plus que préoccupante, ni la mise en place des nouveaux
dispositifs (lois et réglementations, plans de vigilances,
retrait immédiat du permis de conduire, radars, campagnes de
prévention,...), ni la vigilance des services de
sécurité par les contrôles (barrages fixes ou
mobiles) ne peuvent imposer aux usagers de la route une culture du
respect des règles de la circulation.
En effet, de tels
dispositifs constituent des zones de bonne conduite, hors de ces zones
de contrôle, le conducteur reprend ses mauvaises habitudes et le
respect du code de la route ne constitue plus une priorité pour
lui.
Les conséquences sont une migration des accidents vers
d’autres lieux. En matière de prévention, un autre
élément est capital et qui explique le non-respect de la
signalisation par les usagers, c’est l’absence d’un
plan de signalisation logique.
En effet, aucune ville ou tronçon
routier ne dispose d’une étude de signalisation
aboutissant à un plan de signalisation conforme au dispositif de
conception de la route ou du réseau. Une signalisation mal
conçue, non conforme ou inadaptée pousse les usagers
à la transgresser.
Seules des études réelles de
trafic et de signalisation peuvent aboutir à des plans de
circulation et de signalisation fonctionnelle et efficace, et qui
seraient acceptables et respectés par les usagers de la route.
L’usage
de la voiture et sa généralisation en Algérie est
inévitable, la voiture est signe de liberté et de
richesse dans toute les sociétés.
L’acquisition
d’un véhicule neuf dépendra du niveau de vie des
ménages dans les années à venir et des formules
qui faciliteront son achat, par contre, le renouvellement du parc
automobile dépendra en grande partie des coûts
d’entretien des vielles voitures (pièces de rechange,
main-d’oeuvre,...).
En 2007, le taux de motorisation moyen
est de 109 véhicules par 1.000 habitants, le taux réel de
motorisation est de 88 véhicules légers et utilitaires.
Les besoins en voitures légères et utilitaires
estimés pour les 10 prochaines années sont de 3 millions
de véhicules. Cette projection est faite à la base
d’une moyenne de 1 véhicule pour 8 habitants.
Le
renouvellement du parc léger est estimé à 1
million de véhicule et celui du parc lourd à 500 mille
véhicules, ce dernier doit être renouvelé dans sa
totalité.
La politique de développement des
villes, l’étalement urbain, l’émergence de
nouvelles métropoles génèreront de fortes
mobilités dans l’avenir. L’Algérie doit faire
face dans un avenir très proche à un grand
problème de congestion de circulation.
La saturation de trafic
ira en s’accentuant et en se généralisant dans la
plupart du réseau du pays, elle touchera aussi bien les grandes
agglomérations que les villes moyennes. D’ores et
déjà, se dessinent les grandes tendances dans les trois
grandes métropoles Alger, Oran et Constantine, certaines autres
villes de moindre taille sont plus touchées que d’autres.
Les conséquences qui en découleront de cette saturation
seront très lourdes pour l’économie du pays :
surconsommation de carburant, augmentation des coûts de
transport, perte de temps, pollution, bruits et surtout une
augmentation du nombre des accidents et des victimes.
Le devoir
des autorités est de prévoir et agir avant que les
conséquences ne deviennent catastrophiques, très
coûteuses en intervention et très difficiles à
contrebalancer dans le futur. A notre sens, pour que nos routes soient
véritablement sécurisées, il faudrait une
politique claire du gouvernement face à un problème aussi
complexe que la mobilité, les plans de mobilité doivent
précéder tout plan d’aménagement et devront
faire l’objet d’une approbation au préalable par une
cellule de spécialiste en transport à
l’échelle de chaque wilaya.
La gestion de la circulation
et la maîtrise de la sécurité des
déplacements des personnes et des biens sera sous la
responsabilité de ces cellules.
L’importance du
trafic qui ne cesse de progresser et en particulier à la
périphérie et au centre des grandes
agglomérations, impose d’automatiser la gestion et le
contrôle des flux routiers par un réseau de caméras
et des centres de contrôle reliés à des brigades
mobiles sur terrain.
Toutefois, sur ce plan, des cartes de trafic
peuvent être mis à contribution à condition
qu’il soit mis à jour périodiquement (mensuel),
dans ces cas-là, les contrôles peuvent
s’avérer efficaces en adoptant des plans
d’intervention très étudiés
élaborés à la base des cartes de points noirs.
L’Etat
doit s’engager en faveur des transports collectifs, les
transports de masse tels que métro, tramway et rail seront
réservés aux grandes agglomérations avec un
réseau d’autobus circulant sur des voies
réservées au transport en commun.
La privatisation des
transports urbains pourra contribuer si l’Etat impose aux
opérateurs des entreprises à capital privé, une
entreprise par commune où chaque opérateur est
actionnaire en fonction de la contribution dans le parc de
l’entreprise. Le service public sera assuré si
l’Etat s’engage à aider dans la constitution et le
lancement de ces entreprises.
Dans les zones urbaines et
périurbaines, le plus grand motif de déplacement reste le
domicile-travail avec plus de 78 % des déplacements.
Le
transport collectif devient plus intéressant s’il offre un
accès rapide à la destination et à des prix
attractifs sans oublier l’importance de la réintroduction
des formules d’abonnement qui seront prises en charge en partie
par les employeurs.
L’usage des transports collectifs pourra
s’imposer compte tenu des coûts de transport et de la
commodité d’utilisation.
Dans le cas du transport
interurbain, le rail ne pourra pas concurrencer le car ou le taxi
durant au moins les 20 prochaines années en ce qui concerne le
transport des voyageurs. Les opérateurs privés ont pris
une part importante de ce marché, en offrant aux clients des
autocars de qualité et des services satisfaisant (prix,
ponctualité, propreté,...).
Les investissements lourds de
l’Etat dans le chemin de fer sont à juste titre
justifiés, dans le moyen terme, le transport de marchandises se
fera plus par rail que par route, mais le transport de voyageurs
concernera seulement les banlieues à court et moyen terme, le
transport longue distance ne sera efficace qu’à long terme.
A
l’image des pays développés, une fois que le
système de transport collectif sera efficace et concurrentiel,
l’usage de la voiture particulière se stabilisera de
lui-même et se limitera au fil du temps à un
véhicule par ménage, alors là la voiture pourra
être consacrée à un autre motif de
déplacement les loisirs, shopping et vacances.
En
conclusion, le coût des accidents de la route est très
élevé en Algérie, chaque année plus de 4
mille personnes sont tuées, 60 mille autres sont blessées
dont plus de 3 mille resteront handicapées à vie et des
pertes sont estimées à près de 1 milliard de
dollar US par an.
Une véritable prise en charge de la
sécurité routière passe tout d’abord par une
volonté politique de prendre en charge ce fléau. Les
programmes d’intervention doivent être basés sur des
outils scientifiques d’évaluation, ces outils doivent
être mis en oeuvre afin de proposer et d’évaluer des
actions efficaces en faveur de la lutte contre
l’insécurité routière.
L’expérience
des politiques menées par les pays européens a permis de
réaliser des résultats tout à fait
intéressants en matière de lutte contre
l’insécurité routière.
En effet, le niveau
de risque a été divisé par trois et le nombre de
victimes tuées sur les routes a été divisé
par deux (même par 3 dans certains pays du nord de
l’Europe) en une vingtaine d’années, bien que les
volumes de trafic ont doublé et voire même triplé
dans certains pays.
Tous les problèmes admettent des
solutions quel que soit le niveau de leur complexité. Les
accidents de la route sont un phénomène complexe, qui
touche plusieurs secteurs et spécialités. Les
autorités doivent encourager et aussi permettre aux
spécialistes du domaine de les étudier, à
défaut de les résoudre dans l’immédiat, ils
pourront au moins les expliquer.
Améliorer les résultats
en faveur de la sécurité routière, ne peut se
réaliser qu’à travers un challenge pour toute la
société en se fixant un objectif réaliste, au
moins diviser le nombre de victime par deux, durant les 10 prochaines
années.
Tous les pays qui se sont fixés un tel objectif
l’ont atteint, grâce à une volonté politique
inconditionnelle acquise à la cause de la lutte contre
l’insécurité routière.
La
réduction du nombre des accidents et des victimes sur les routes
algériennes ne pourra se faire que si l’on élimine
les facteurs causaux du risque d’accident, mais il faudra tout
d’abord les identifier et ensuite déterminer quel est le
poids de chaque facteur ?
Chaque tué sur la route est un tué de trop pour la collectivité.
Source : ContinentalNews