Si on fait un tour de la situation de l’énergie éolienne au Moyen-Orient, on
remarquera sans difficulté le retard libanais en la matière. L’énergie éolienne
a débuté en Egypte dans les années 90 avec les fermes éoliennes de Zaafarana
générant une puissance de 225 MW, projet mené par le ministère de l’Electricité
et de l’Energie, ainsi que la « New & Renewable Energy Authority » (NREA).
Plus récemment, l’Egypte a fait un appel d’offres pour la mise en place d’un
parc éolien de 200 MW au golfe d’El-Zayt.
En Jordanie, la société centrale de production électrique a mis en
place 2 projets pilotes de parc éolien : un parc de 320 kW à Ibrahimia, installé
en 1988, et un parc de 1,2 MW à Hofa.
La Jordanie a ensuite accepté des contrats
pour la mise en place d’un parc éolien de 40 MW à Al-Kamchah, près de Jerach.
D’autre part, elle et est entrain d’effectuer une étude de faisabilité pour
l’installation d’un parc éolien de 200 MW à Al-Harir et de 150 MW à Al-Maan.
En
Syrie, des études sur la vitesse du vent ont été réalisées, mais jusqu’à
maintenant, il n’existe pas de grand parc éolien.
Au Liban, il existe
plusieurs petits projets éoliens en cours, mais aucun parc éolien. Dans cet
article, nous reviendrons sur notre expérience en terme de petits projets
éoliens réalisés lors des 18 derniers mois par notre équipe
d’Altaka-Albadila.
Le premier projet exécuté par notre équipe, le fut à Dibbiyi, au dessus de Saadiyat.
Il consistait en un système hybride éolien/solaire pour des applications
résidentielles (voir photo 1). Deux éoliennes furent installées, chacune de 2 kW
de puissance.
Chaque turbine est équipée de 3 pâles en fibre de verre, d’un
diamètre de 3,2 mètres. La hauteur des tours les supportant est de 9 mètres.
Nous n’avons pas mené d’études sur le vent mais nous avons consulté le centre
météorologique de l’aéroport de Beyrouth.
Selon le Dr. Khodari, la vitesse du
vent dans cette région était d’environ 3 mètres par seconde. Cette incertitude
nous a poussé à opter pour un modèle hybride éolien/solaire, couvrant les deux
possibilités : en cas d’absence de vent, la production électrique serait assurée
par les panneaux solaires, et vice versa.
Le second projet fut réalisé à Ksara, près de Zahlé dans la vallée de la
Bekaa. Ici, la nature du terrain ne permettait pas l’utilisation de tour
tubulaire, c’est pourquoi nous avons dû fabriquer sur place une tour en treillis
de 12 mètres de hauteur pour l’éolienne de 2kW (voir image 2).
Nous avons effectué les demandes de permis légal auprès de l’autorité civique
et de la municipalité. Cependant, il s’est avéré qu’aucune loi ou règlement
n’existait à cet égard. Le chef de la municipalité nous a cependant encouragé à
mener à bien ce projet, bien qu’il ne puisse nous donner d’autorisation
écrite.
De nouveau, nous avions opté pour un système hybride éolien/solaire. Nous
avons ajouté à l’éolien de 2 kW, 5 panneaux solaires en monocristaux de silicium
de 160 Wc chacun. Ces derniers étaient connectés à un générateur DC de
puissance, alors que l’électricité produite du générateur AC triphasé provenait
de l’éolienne.
Le tout était envoyé aux mêmes contrôleurs et onduleur hybrides.
Nous avons utilisé 10 batteries à cycle profond : 150 Ah/12V, bien isolés, sans
nécessité de maintenance, pour stocker l’électricité. Nous recherchons
maintenant un onduleur interactif qui couperait l’électricité du réseau lorsque
les batteries sont chargées au maximum.
Dans cette configuration, le client
cherche ainsi à mettre fin à son abonnement au générateur local de quartier, et
devient indépendant.
Les détenteurs de générateurs locaux de quartier vendent
les 10 Ampères à 100$ par mois et ce, pour couvrir une déficience électrique de
6 à 8 heures par jour.
Le système marche bien et il est à souligner que
l’éolienne n’a pas fonctionné la plupart des nuits. La vitesse du vent lors des
mois de septembre et d’octobre n’était pas suffisante pour faire tourner les
pâles.
Le propriétaire a fait remarquer que durant ces 2 mois, l’éolienne ne
fonctionnait que 15 à 20% du temps.
Cela prouve que l’installation de
systèmes hybrides dans des régions peu venteuses est requise. Lors du mois
d’août, le client avait pour habitude de se déconnecter du réseau de l’EDL
(Electricité du Liban) 3 jours par semaine pendant 10 heures environ, en plus de
couvrir les périodes de déficiences classiques réseau électrique.
Le troisième projet fut réalisé à Rahbi, au Akkar. Il s’agit de la seule
étude où une éolienne d’1 kW fut installée (voir image 3) sans apport de
panneaux solaires.
Une étude sur la vitesse du vent réalisée pendant 18 mois
avait révélé une vitesse moyenne quotidienne de 6 mètres par secondes. Cette
étude fut réalisée par Global Wind Energy (M. César Nahas).
L’éolienne fut installée dans ce cas pour éclairer l’extérieur d’une usine de
produits laitiers (Wedge Dairy). Les pâles tournaient la majeure partie du
temps. Nous avons cependant rencontré un problème sérieux un mois après
l’installation car le générateur de l’éolien a pris feu.
Il fut remplacé très
vite et le système a fonctionné de manière efficace ces 3 derniers mois.
Que pouvons-nous conclure de notre expérience limitée dans
l’installation de petits éoliens au Liban?
1- La sélection du site est importante et nous devons nous fier aux données
sur la vitesse locale du vent. Nous avons à présent un atlas du vent au Liban
(du satellite 15-10 N Syria), avec une précision de 2 km à 60 et 120m de
hauteur. Cela devrait nous permettre d’effectuer un meilleur choix sur la
localisation de sites mais aussi de sélectionner quelques régions pour des
mesures réelles avec tours, anémomètres, et enregistreurs de données, bien que
cela puisse prendre 12 mois au moins.
2- Le retour sur investissement (ROI)
et la période de payback sont encore très longs pour les petites éoliennes. Le
ROI est plus court pour de plus grands projets éoliens et ce, à partir de 4 MW
de puissance.
3- Nous avons besoin d’un système fonctionnant sans l’aide d’un
stockage au moyen de batteries. Mais pour cela, nous avons besoin de légiférer
dans ce domaine en promouvant le projet de loi concernant la réinjection
d’électricité dans le réseau libanais, moyennant compensation financière
(feed-in-tariff).
Nous avons effectivement traduit plusieurs législations en la
matière qui ont alors été soumis au comité de l’Energie et de l’Electricité au
sein du parlement.
Cependant, aussi longtemps que le réseau n’est pas fiable, et
que les coupures sont fréquentes, le « feed-in-tariff » ne sera pas
efficace.
4- Le Liban est toujours en retard dans les énergies renouvelables
lorsqu’on le compare à ses voisins. Cependant, de plus en plus de gens sont
intéressés par l’installation de parcs éoliens et nous percevons un changement
dans l’opinion publique libanaise à cet égard.
5- Lorsque nous discutons avec
un client potentiel du coût de l’installation d’une éolienne, nous mentionnons
toujours le coût de la destruction de l’environnement, du changement climatique
et l’augmentation de la pollution à cause de l’émission de CO2, mais ce
raisonnement n’est pas encore entré dans les mentalités.
6- La plupart des
Libanais souhaitent installer une éolienne sur le toit de leur maison. Il est
difficile pour eux de concevoir que cela puisse endommager la structure de leur
bâtiment et nous déconseillons fortement cette option.
7- Le gouvernement
n’offre aucun incitant. Au contraire, nous devons payer 10% de taxes TVA sur les
importations d’éoliennes.
8- Un parc éolien peut et doit être mis en place à
Rahbi (Akkar), des études de vent ayant été réalisées.
Les Egyptiens ont opté
pour une opération et une prise en charge du gouvernement. Cette option
contrebalancerait l’attente des lois pour la connexion au réseau, la propriété
de terrain et ne nécessitera pas un accord d’achat d’énergie et un tarif de
rachat. Il est plus facile de financer un projet lorsque le gouvernement est
impliqué.
De la sorte, l’aide financière arrive plus facilement à travers des
emprunts légers, un taux d’intérêt réduit et de longues périodes de grâce. Les
données du projet de Zaafarana prouvent la justesse de cette approche.
Si vous voyagez à travers le Liban, vous verrez de petites éoliennes
installées par plusieurs individus, ce qui démontre un intérêt et une recherche
active de solution par rapport à la fréquence des coupures d’électricité du
réseau publique.
Notre espoir est de pouvoir être impliqué dans l’installation d’un parc
éolien au Liban dans un avenir proche. Ceci devient un dossier urgent à la
lumière de la crise actuelle que nous traversons au niveau de
l’approvisionnement électrique.
Source : Libnanews