Face à la sécheresse, les Palestiniens demandent un
partage plus équitable de l’eau avec Israël. La
sécheresse qui affecte la région
Méditerranée frappe durement les Territoires
palestiniens, pénalisés par un accès limité
aux ressources en eaux contrôlées par Israël.
Yatta attend la pluie. Depuis le mois de mars, le ciel de cette
région du sud de la Cisjordanie est resté sec et les
premières averses d’hiver se font toujours attendre. De
mémoire d’homme, l’année 2008 est l’une
des plus arides depuis vingt ans.
« Normalement, la
moyenne des précipitations dans la région de Yatta est de
300 mm par an. Depuis l’année dernière, nous sommes
tombés à 180 mm », constate Ishaq
al-Horainat, responsable du service des eaux de cette
municipalité de 75 000 âmes, au sud
d’Hébron.
Le puits qui fournit la ville est au
plus bas et la compagnie nationale israélienne Mekorot a
réduit son approvisionnement de 20%. Conséquence, dans la
plupart des habitations de Yatta, l’eau est coupée depuis
plus de quatre mois.
Pour sa consommation, la famille de Zohra Azazi ne
peut compter que sur les camions-citernes qui parcourent les villes et
villages des environs. Une eau vendue au prix fort, au moins dix fois
plus cher que l’eau de la municipalité. « J’ai
arrêté de laver le sol de la maison. Même pour les
vêtements, c’est devenu très difficile. Toute
l’eau que nous achetons, nous l’utilisons pour se laver,
cuisiner et pour boire », témoigne cette mère de famille.
La
Croix-Rouge et les organisations humanitaires organisent
désormais des distributions d’eau aux populations les plus
fragiles. « Dans les villages les plus
éloignés, le prix de l’eau livrée par les
camions-citernes atteint jusqu’à 30 ou 40 shekels par
mètre cube (entre 6 et 8 euros). Cela fait peser une pression financière insoutenable pour les familles les plus démunies, explique Stephen Williams, chef de mission d’Action contre la faim Espagne (ACF) à Jérusalem.
La
sécheresse affecte aussi les pâturages. Bédouins et
bergers sont forcés de vendre leurs animaux, faute de pouvoir
acheter du fourrage pour nourrir les troupeaux qui ne trouvent plus
rien à brouter », ajoute t-il.
Quinze litres d’eau par jour et par personne
Les
Palestiniens de cette région du sud de la Cisjordanie doivent
parfois se contenter de 15 litres d’eau par jour et par personne.
Une quantité bien insuffisante au regard des 100 litres
jugés nécessaires par l’Organisation mondiale de la
Santé (OMS).
Au total, les Palestiniens consomment 3,5 fois
moins d’eau que leurs voisins israéliens. Tout est affaire
de contrôle et de partage des ressources.
Dans son bureau
de Ramallah, Shaddad Attili le responsable de la Palestinian Water
Authority (PWA) avoue son impuissance. « Je suis un ministre virtuel, gromelle-t-il.
Tout ce que je peux faire c’est de la gestion de crise et envoyer
des camions-citernes dans les régions les plus
touchées ».
Sur la carte accrochée dans
son bureau, Shaddad Attili montre la nappe phréatique
partagée avec Israël, qui réside pour sa plus grande
partie dans le sous-sol palestinien.
L’accès des
Palestiniens à ces réserves est strictement
contrôlé par l’Etat hébreu. « Je
ne peux même pas raccorder deux tuyaux sans l’autorisation
d’Israël. Si je veux creuser un puits, je dois obtenir
l’accord de treize départements différents qui ont
tous une bonne raison de me le refuser », poursuit
Shaddad Attili.
Depuis 1967, date de l’occupation des Territoires
palestiniens par Israël, aucun nouveau puits palestinien n’a
été autorisé dans la nappe phréatique
ouest, la plus profonde et la plus abondante.
Il pleut davantage à Ramallah qu'à Paris !
L’eau
est un enjeu essentiel des négociations en cours pour un accord
de paix. Les Palestiniens n’ont actuellement accès
qu’à 20% des ressources partagées avec Israël.
« Nous demandons un partage plus équitable », explique Shaddad Attili. « Cette
terre est loin d’être aride. Le manque d’eau
n’a rien à voir avec celui que connaît un pays comme
la Jordanie. Il pleut davantage à Ramallah qu’à
Paris ! », renchérit Clemens Messerschmid,
expert en eau allemand qui travaille dans les Territoires palestiniens
depuis douze ans.
En moyenne annuelle, Ramallah reçoit en effet
680 mm de pluies contre 630 mm pour la ville de Paris.
Pour
Clemens Messerschmid, le problème réside dans une
consommation irraisonnée des ressources côté
israélien. Les Israéliens consomment deux fois plus
d’eau que les Français, 280 litres par personne et
par jour contre 137 litres en France, dont la grande partie au profit
d’une agriculture qui ne représente que 2% de la richesse
nationale.
La sécheresse qui s’installe durablement
pourrait changer ces habitudes. « Cette année pour
la première fois, les Israéliens ont cessé
d’arroser les gazons verdoyants que l’on voit sur les
ronds-points, s’amuse l’hydrogéologiste. J’ai en même vu avec du gazon artificiel ».
Source : RFI-INTERNATIONAL