Le Liban sera confronté à des changements considérables
si les températures moyennes augmentent de 2-4 degrés Celsius au cours
des 100 prochaines années, comme le prévoient la plupart des modèles de
changement climatique.
D’après Wael Hmaidan, directeur exécutif d’IndyACT, la
Ligue des activistes indépendants, le Liban sera le premier pays du
Moyen-Orient à être touché par le changement climatique. « La
répartition des pluies a changé, la densité de la neige décroît et les
feux de forêt se multiplient », a-t-il dit.
Les précipitations annuelles moyennes du Liban sont
supérieures à 800 millions de mètres cubes (m3), et permettent le
maintien de plus de 2 000 sources pendant la saison sèche, qui dure
sept mois. De quoi rendre jaloux les pays voisins plus arides, comme
l’Irak ou la Jordanie.
Mais la situation est en train de changer. « Il y a 20
ans, nous comptions sur 80-90 jours de pluie par an au Liban.
Aujourd’hui nous prévoyons 70 jours de pluie », a indiqué Bassem Jaber,
expert de l’eau du Projet de mise en place des outils techniques de
gestion de l’eau (MOTGE), au ministère libanais de l’Energie et de
l’eau.
D’après M. Jaber, ce n’est pas la quantité de pluie qui
change, mais la période à laquelle elle tombe : « Il tombe la même
quantité d’eau, mais en un temps plus court, ce qui empêche
l’infiltration dans le sol. L’eau coule en surface et se jette dans
l’océan, sans avoir été exploitée. Sur son chemin, elle provoque
l’érosion du sol, des glissements de terrain et des inondations
soudaines. A long terme, ces phénomènes aboutissent à la
désertification ».
M. Hmaidan, d’IndyACT, affirme que ces changements
météorologiques pourraient conduire le pays au désastre : « Les seules
ressources naturelles du Liban sont son climat agréable, ses forêts et
son eau. L’économie du pays repose sur le tourisme, qui dépend de ces
ressources. Si elles disparaissent, c’en est fini de l’économie
libanaise ».
Selon les prévisions, le changement climatique devrait
aussi faire décliner les chutes de neige. Au Liban, 65 pour cent de
l’eau provient de la pluie, et 35 pour cent de la neige. Les pluies
hivernales sont complétées par la fonte des neiges, qui dure d’avril à
juillet, et qui permet aux rivières de continuer à couler tout l’été.
Les montagnes enneigées du Liban
pourraient devenir un spectacle rare si les températures augmentent à
cause du changement climatique
De sombres perspectives
Des études conduites par Wajdi Najem, directeur du
Centre régional de l’eau et de l’environnement (ESIB) du Liban,
prévoient que la quantité d’eau provenant de la fonte des neiges, qui
est actuellement de 1 200 millions de m3, tombera à 700 millions de m3
si les températures s’élèvent de deux degrés, et à 350 millions de m3
si elles s’élèvent de quatre degrés.
D’après les prédictions de l’ESIB, la limite des neiges
éternelles, qui est aujourd’hui à 1 500 mètres, passera à 1 700 mètres
si les températures augmentent de deux degrés, et à 1900 mètres si
elles augmentent de quatre degrés. Dans ces conditions, la saison de
ski, si lucrative pour le pays, durerait non plus trois mois, mais une
semaine seulement d’ici la fin du siècle.
La neige est également essentielle pour la survie du
cèdre du Liban, arbre à la longévité exceptionnelle qui constitue le
symbole du pays, et qui figure à présent sur la liste rouge des espèces
fortement menacées de l’Union internationale pour la préservation de la
nature.
Les cèdres du Liban, dont beaucoup
ont plus de 2 000 ans, sont aujourd’hui menacés d’extinction en raison
du changement climatique
Sécheresse urbaine
Si la fonte des neiges fournit moins d’eau, la saison
sèche commencera un mois plus tôt. Ce changement risque de perturber
l’agriculture, en particulier dans le sud et l’est où le secteur
agricole constitue la base de l’économie, mais les spécialistes de
l’environnement estiment que ce sont les zones urbaines qui seront
confrontées aux plus graves pénuries d’eau pendant les cinq prochaines
années.
« Ce ne sont pas les régions agricoles qui subiront les
conséquences les plus graves - la saison des cultures commencera plus
tôt - mais nous sommes en revanche très inquiets pour les centres
urbains », a déclaré M. Jaber. « Le problème, c’est que les zones
urbaines auront épuisé leurs ressources d’eau douce avant la fin de la
saison sèche ».
Sur une population nationale d’environ quatre millions
d’habitants, dont environ 400 000 réfugiés palestiniens, plus de 80
pour cent vivent en milieu urbain, dont 1,5 million à Beyrouth.
Deux facteurs humains aggravent les problèmes de
pénuries d’eau au Liban. Chaque année, la moitié des eaux de pluie est
perdue par ruissellement, évaporation ou infiltration, et une grande
partie des systèmes de canalisations et d’irrigation n’a pas été remise
en état après la guerre civile et la guerre de juillet 2006.
Actuellement, la faible pression d’eau à la fin de
l’été et en automne oblige le gouvernement à rationner
l’approvisionnement. Dans certaines régions, près de la moitié des
foyers vivent ainsi au-dessous du seuil de manque d’eau.
Chaque foyer reçoit en moyenne moins de 50 litres d’eau
par jour, soit 20 litres de moins que la quantité définie par
l’Organisation mondiale de la santé comme seuil de manque d’eau. Cette
insuffisance s’aggravera certainement si la saison sèche commence plus
tôt et dure plus longtemps.
Construire des barrages
Le gouvernement prévoit de construire jusqu’à 28
barrages de surface ou souterrains dans les 10 prochaines années, afin
de capter jusqu’à 900 millions de m3 d’eau douce. Ce plan, qui devrait
coûter entre 2,5 et trois milliards de dollars, a été critiqué par
certains activistes, qui l’estiment trop cher et néfaste pour la
nature. IndyACT travaille à l’élaboration d’un plan alternatif fondé
sur une meilleure utilisation des ressources disponibles.
Mais pour Fadi Comair, directeur général des Ressources
hydrauliques et électriques du ministère de l’Energie et de l’eau, il
est très probable que les barrages soient la seule réponse possible au
problème du changement climatique au Liban.
Source : Info-Palestine