À l'occasion de l'inauguration hier d'un séminaire sur la politique sociale, le ministre du Travail, Boutros Harb, a souligné la nécessité de procéder le plus tôt possible à une réforme profonde et structurelle de la CNSS.
À l'initiative du ministère du Travail, un séminaire de deux jours, regroupant plusieurs responsables, professionnels et représentants de la société civile, a démarré hier sous le thème « La Sécurité sociale : une priorité de la politique sociale », au siège du Conseil économique et social (CES).
Cette initiative - une première depuis des années - vise à jeter les fondements d'une solution durable aux problèmes chroniques de la Caisse nationale de Sécurité sociale (CNSS), qui souffre de graves défaillances au niveau de la gestion et d'un déficit croissant, estimé aujourd'hui à environ 400 millions de dollars.
Le laxisme et l'absence de toute réforme durant les longues années de tutelle et celles qui ont suivi le retrait syrien n'ont fait qu'empirer les déboires financiers de l'institution, entraînant l'ensemble du système de santé libanais.
Le séminaire lancé hier visait ainsi, non seulement à amorcer un débat en profondeur sur une des questions socioéconomiques les plus sensibles, mais également à mettre en avant l'intérêt que porte le nouveau gouvernement aux réformes dites structurelles et aux sujets concernant les citoyens en priorité.
Le choix du local a été encore moins anodin, le Conseil économique et social - dont la mise en place est stipulée par Taëf - ayant été mis au placard depuis sa création.
Au cours de la séance inaugurale, le ministre Harb a ainsi souligné son « engagement ferme en faveur de la protection de la CNSS et du renforcement de son rôle, d'autant que cette Caisse constitue la pierre angulaire de la stabilité sociale (...) ».
« Depuis mon entrée en fonctions, je suis exposé de plus près aux risques qui guettent cette Caisse, ainsi qu'au renoncement des uns et aux escroqueries des autres, qui poursuivent sans scrupule la quête insatiable de leurs intérêts personnels aux dépens de l'intérêt public (...), a-t-il déploré. J'ai donc décidé de ne pas céder au fait accompli et de lancer dès aujourd'hui le débat sur les solutions radicales à mettre en œuvre pour sortir de l'ornière (...). »
De son côté, le président du Conseil économique et social, Roger Nasnas, a plaidé, dans son allocution, en faveur d'une modernisation de l'infrastructure actuelle de la CNSS, soulignant qu'une restructuration de l'institution permettrait de « redynamiser l'activité économique, de consolider la justice sociale et d'assurer un développement durable ».
M. Nasnas a rappelé à cet égard le plan soumis par le CES au gouvernement en 2002, appelant, en parallèle, à poser les fondements d'un nouveau pacte social, basé sur le développement économique et la stabilité sociale.
Quant au président du conseil d'administration de la CNSS, Toubia Zakhia, il a notamment appelé à une unification des tarifs des soins de santé et à la création d'une carte de santé (à l'instar de la Carte Vitale en France) permettant à ses détenteurs de bénéficier des prestations médicales sans passer par le labyrinthe des procédures.Prenant la parole, le directeur général de la CNSS, Mohammad Karaki, a, de son côté, mis l'accent sur les efforts déployés par la direction de la Caisse pour faire face aux différentes contraintes financières et humaines qui entravent à l'heure actuelle son bon fonctionnement. Il a ainsi souligné l'existence d'une pénurie d'employés au sein de la CNSS et d'un déficit chronique au niveau des branches maladie et maternité.
« Afin de remédier à tous ces problèmes, nous nous sommes fixés une série d'objectifs, allant du court au moyen terme, a-t-il affirmé. Nous proposons ainsi de compléter, dans un premier temps, les travaux d'informatisation que nous avions entamés il y a plusieurs années, de simplifier davantage les procédures administratives et de combler notre déficit en ressources humaines, en ouvrant la voie aux jeunes qualifiés pour occuper les nombreux postes vacants. »
Selon le directeur général de la CNSS, ces postes représentent désormais 40 % des besoins de la Caisse. « Il faudrait également à court terme rétablir l'équilibre financier au sein des deux branches déficitaires de la Caisse, à travers l'adoption de nouveaux impôts (...) et réexaminer le régime facultatif de la CNSS, a-t-il ajouté.
Quant aux propositions à moyen terme, elles portent notamment sur l'adoption du projet de loi sur l'assurance-vieillesse et l'intégration de nouvelles tranches de la population à la Caisse. »
Enfin, le député et président de la commission parlementaire de la Santé, Atef Majdalani, a déploré le manque de transparence dans la gestion de la CNSS, s'indignant de l'absence de chiffres exacts sur le nombre d'assurés qui bénéficient des prestations de la Caisse.
Selon des organisations locales et internationales indépendantes, celui-ci s'élève à 700 000 tandis que les chiffres officiels évoquent entre 1,2 et 1,5 million d'assurés (...). Est-ce pour justifier son déficit que la direction cherche à gonfler le nombre d'adhérents ? » s'est-il interrogé.
Le projet de loi sur l'assurance-vieillesseLa séance inaugurale d'hier a non seulement été l'occasion de mettre l'accent sur la nécessité de réformer la CNSS mais de prôner aussi l'adoption du projet de loi sur l'assurance-vieillesse, renvoyé aux calendes grecques, après avoir été soumis au Parlement il y a plus d'un an.
Le député Atef Majdalani a ainsi rappelé que ce projet, attendu depuis plus de quarante ans, traîne dans les tiroirs du Parlement depuis que le président de la Chambre, Nabih Berry, a demandé de le retirer de l'ordre du jour d'une séance en novembre 2008 pour paver la voie à plus de concertations au sujet de sa dernière monture.
Les deux parties concernées - le patronat et les syndicats - s'étaient en effet opposées à la version finale du projet, chacune pour des raisons différentes.
À ce sujet, le vice-président de l'Association des banques (ABL) et membre du conseil d'administration de la CNSS, Makram Sader, a indiqué que le projet contenait sept failles principales, soulignant que son adoption ne devrait pas avoir lieu avant une révision de ces points.
Il a notamment déploré l'absence dans le projet actuel de toute mention portant sur la création d'une autorité indépendante pour gérer les fonds de la Caisse des retraités, ajoutant que le taux de cotisation annuelle de 2,5 % proposé dans le projet n'était pas un taux réaliste.
« L'ABL a en effet chargé une grande compagnie d'études actuarielles de mener une enquête à ce sujet. Or il s'est avéré que seul un taux variant entre 7,5 et 10,5 % pouvait permettre à la Caisse de couvrir les coûts de santé de ses assurés, selon un calcul basé sur les frais de la deuxième classe », a-t-il indiqué.
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