Ils persistent et signent, les «Young Mediterranean Leaders» (YML) ont réuni leur second forum à Séville,
capitale de l’Andalousie, du 5 au 7 octobre, un des centres de mémoire de la
Méditerranée.
Le concept semble avoir trouvé sa voie après son coup d’envoi en
octobre 2008 à Tunis.
Le Forum a planché cette fois sur le thème de «redéfinir
l’espace euroméditerranéen :
entre utopies et réalité».
L’Euromaghreb semble être la pierre d’achoppement de cet édifice. Comment dès lors aller du discours vers l’espoir? Entretien.
Webmanagercenter : A l’issue du 2ème forum de YML, les débats ont-ils départagé la part d’utopie pour redéfinir l’espace Euromed de la part de réalité ? Est-ce qu’il y a enfin une marge d’espoir ?
Hakim Elkaroui : Les débats ont été riches. Certains pensent que la Méditerranée est un tout et qu’il n’y a qu’un seul ensemble. Ce n’est pas la conviction des YML qui pensent au contraire que la relation euro-maghrébine est essentielle car portée par l’histoire, l’économie et les mouvements de population. Pour autant, cette relation euro-maghrébine n’est pas un obstacle à la construction de l’Union pour la Méditerranée, bien au contraire.
Lors du premier forum, dans le discours «magistral», Emmanuel Todd a parlé de la convergence démographique des peuples du «Bassin » comme socle d’une civilisation commune. Cette année Gilles Kepel parle des trois cercles de la Méditerranée.
Le Bassin, au bout du compte, c’est un espace qui tend à s’homogénéiser ou à ou se cloisonner.
Il n’y a pas de contradiction entre le discours d’Emmanuel Todd et celui de Gilles Képel.
E. Todd a montré l’an dernier la convergence culturelle entre le Nord et le Sud dans le temps long. Il a réfuté toute idée de «choc des civilisations». G. Képel, lui, a montré que la Méditerranée était faite de cercles concentriques : Euromaghreb et Euro-Turquie d’abord, Proche-Orient ensuite, Golfe enfin. Ces cercles s’emboîtent, ils ne sont pas en compétition.
Il est question de passer du discours de l'U.P.M. à l’espoir de l’Euromaghreb. Comment aller dans le vif du sujet sans représentant politique de l'UMA et sans représentant de l’Union des patronats du Maghreb ? Qui a donc parlé au nom du Maghreb ?
Ce sont tous les Maghrébins qui ont parlé au nom du Maghreb et vous le savez les attentes sont fortes. Moulay Hafid El Alamy est le fondateur du patronat maghrébin, il a dit l’importance du sujet. Quant à l’UMA, elle était invitée. Mais, encore une fois, le sujet n’est pas institutionnel, il est d’abord et avant tout humain. Malgré les difficultés, le Maghreb est une évidence pour les Maghrébins.
Le Forum pose le cas de la Turquie comme modèle de modernisation pour le Maghreb, ce qui rejoint le satisfecit donné à la Turquie par le DG de la BEI lors de votre premier forum mais absent à Séville, parce qu’elle arrivait à obtenir des financements de la BEI sans rapport avec les pays du Maghreb. Le Maghreb est-il en mal «d’unification – intégration» économique ou de modernisation ?
Je ne sais pas si on peut dire que la Turquie est un «modèle», disons qu’elle est un exemple riche d’enrichissement pour les pays du Maghreb. Son évolution politique, économique et sociale est magistrale : la Turquie est devenue en quelques années la 16ème économie du monde et un centre d’attraction et de dynamisme dans la région.
YML retient trois priorités de coopération : l’art, l’économie et la formation. Or les priorités évoquées par les Etats privilégient la rareté de l’eau, la recherche scientifique, le transfert réel des technologies. Comment justifier vos choix ?
Nous ne sommes qu’une association, nous choisissons donc des thématiques à notre portée. Il y a dans le domaine culturel des initiatives à prendre pour donner des espaces de création aux artistes. Dans le domaine de la formation, nous pensons pouvoir offrir à des jeunes formés au Sud un complément de formation, que ce soit en Europe, en Asie… ou au Maghreb. Dans le domaine économique, nous sommes partisans de réflexions visant à proposer des idées aux chefs d’entreprise pour aller au-delà des frontières… et des préjugés.
Un des ateliers étudiait la perspective de «passer à l’action» et propose la création d’un "Think Tank" . De «la réflexion naît l’action», Snoopy dixit. Votre démarche est-elle conséquente ?
Agir sans réfléchir n’a jamais mené très loin.
Pour construire l’Euromaghreb des peuples, YML propose «une formation commune des élites». Hubert Vedrine, à Tunis, vous avait prévenu contre une démarche par les élites qui pourrait s’éloigner des peuples. Là encore a-t-on péché par inconséquence ?
JJe n’oppose pas le peuple à l’élite. La région doit continuer à bouger, doit continuer à s’insérer dans la mondialisation, parce qu’il n’y a pas d’autres choix. Contribuer à améliorer la formation des élites ne peut que profiter au peuple, car c’est une façon de se projeter dans l’avenir pour créer des emplois par exemple.
A Séville, le forum de YML a eu un versant culturel et on s’en félicite. Il se trouve que la ville de Kairouan est capitale du monde musulman pour l’année 2009, et le thème n’a même pas été évoqué, elle qui a tant donné à la Méditerranée et par conséquent à l’Andalousie. Négligence ou simple oubli ?
Ni négligence ni oubli. Séville a été choisie parce que nous avons décidé d’alterner le lieu des forums chaque année. C’était à Tunis l’an dernier. Quant à Kairouan, elle est capitale du monde musulman –et elle le mérite, c’est une ville extraordinaire. Mais notre sujet n’était pas le monde musulman mais bien la construction de liens entre l’Europe et le Maghreb.
Vous avez réinvité Hubert Védrine, qui est une personnalité de premier plan. Avez-vous pensé à inviter Radhi Meddeb, le premier qui vient du Sud à être président au Nord (président de l’Observatoire méditerranéen) et qui traite de beaucoup de thèmes abordés à Séville et qui aurait pu beaucoup apporter ?
Nous avons invité Radhi Meddeb, en tant que personnalité qualifiée et en tant que directeur général d’IPEMed. Il n’a malheureusement pas pu être parmi nous mais son président, Jean-Louis Guigou, était là.
Où se tiendra le YML III en 2010 et en quelle date ?
La décision n’a pas encore été prise.
Vous êtes pour la plupart francophones et vous avez choisi un sigle en langue anglaise, shocking ! Changerez-vous votre logo d’épaule ? Et choisirez-vous enfin un slogan, une signature ?
Nous sommes de notre génération et dans notre génération, l’anglais est plus fédérateur que le français. On peut le déplorer mais il faut le constater. Quant à la signature, elle est dans notre nom. Je crois qu’elle dit bien ce que nous voulons faire. .
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