Les
déchets ménagers, parlons-en ! Car nous en parlons peu. On les voit et
en plus, on les ”sent” et cela ne semble pas gêner outre mesure.
Pourtant, “ils ne peuvent plus, être considérés comme non dangereux”.
C’est ce que tâche de nous expliquer le Dr Kamel Sellam, membre du bureau de l'Association écologique de Boumerdès et membre fondateur de l'Association des amis du lac de Réghaïa.
Liberté :
Après moult controverses, il est d’aujourd’hui établi que
l'incinération des déchets ménagers de composition hétérogène nuit à la
santé humaine. Que risquons-nous sur le plan sanitaire (statistiques
sur les maladies), mais également de l'atmosphère, des cultures ?
Dr Kamel Sellam : Effectivement, les déchets ménagers sont de
composition très hétérogène. Ils contiennent une grande variété de
matières et objets divers (plastiques, métaux, piles, articles de
toilette, substances chimiques, appareils électriques, etc.) dont
l'incinération conduit à la formation de milliers de molécules.
Beaucoup de ces substances exercent des effets néfastes sur l'organisme
et constituent une réelle menace pour la santé. Pour cette raison, les
déchets ménagers ne peuvent plus être considérés comme non dangereux.
Les catégories de risques pouvant être induites par les déchets sont de
façon non exhaustives sont l’inconfort sensoriel (pollution visuelle,
pestilence…), les risques biologiques, particulièrement risque
infectieux (prolifération de vecteurs de maladies et de dévastateurs :
rongeurs, chiens, chats, sangliers, blattes et cafards, mouches et
moustiques) tels que la peste, la leptospirose, la rage…
Il y a aussi
d’autres risques infectieux dus aux DASRI (déchets d’activité de soins
à risque infectieux) : HVB, HVC, HIV. On parle dans ce cas de risques
physiques : incendies, explosion, irradiations chimiques via les
lixiviats et le biogaz (pénétration par voie digestive et par voie
aérienne) ; lésions dermatologiques possibles par contact cutané. Il
faut, en somme, savoir que lors de l’incinération 70% de la masse de
déchets passe par les fumées !
Les nuisances à l’atmosphère sont, par
ailleurs inhérentes à une incinération inadéquate ou celle de matériaux
qui ne se prêtent pas à cette forme d’élimination et qui peut entraîner
l’émission de polluants dans l’atmosphère. L’incinération de matériaux
contenant du chlore peut être à l’origine de dioxines et de furanes,
substances potentiellement cancérogènes pour l’homme qui ont été
associées à tout un éventail d’effets indésirables.
Les dioxines, les
furanes et les PCB coplanaires sont des substances toxiques qui
apparaissent en tant que sous-produits de certains procédés
industriels, y compris de la combustion des déchets contenant du
polychlorure de vinyle. C’est notamment le cas lorsque les déchets sont
incinérés à moins de 800°C ou lorsque les déchets ne sont pas
complètement incinérés.
Les dioxines et les furanes se retrouvent dans la chaîne alimentaire car elles demeurent emmagasinées dans les tissus adipeux des animaux. C’est la raison pour laquelle les gens absorbent une plus grande quantité de dioxines et de furanes par les aliments que par l’air, l’eau ou le sol. Quatre-vingt-dix pour cent de l’exposition aux dioxines se fait par l’entremise des aliments.
La viande, les produits laitiers et le poisson contiennent des concentrations plus élevées de dioxines et de furanes que les fruits, les légumes et les céréales. Une exposition de faible intensité et durable aux dioxines et aux furanes peut entraîner chez l’homme une atteinte du système immunitaire et des anomalies de développement du système nerveux, du système endocrinien et des fonctions reproductrices.
De multiples
études scientifiques ont montré une diminution progressive de la
quantité et qualité des spermatozoïdes au cours des dernières
décennies, l'homme normal ayant actuellement un nombre de
spermatozoïdes fonctionnels réduit de moitié par rapport à son
grand-père), cryptorchidie (absence de descente des testicules chez les
jeunes garçons), l'endométriose chez la femme, perturbations au niveau
des hormones thyroïdiennes et du développement psychomoteur du jeune
enfant (exposition maternelle pendant la grossesse ou la période
d’allaitement). Une exposition de forte intensité et de courte durée
peut donner lieu à des lésions cutanées et une atteinte de la fonction
hépatique.
Chez les animaux, l’exposition aux dioxines a entraîné
l’apparition de plusieurs types de cancer.
Selon l'Organisation de coopération et de développement économique (l'OCDE), sur les 4 milliards de tonnes de déchets produits mondialement chaque année, seulement 150 à 200 kg sont produits par un habitant d'une grande ville du tiers-monde, contre 700 kg pour un Américain et 520 kg pour chaque Européen.
Pouvons-nous en conclure que nous sommes moins exposés à la pollution et aux autres risques biologiques, chimiques et autres ?
Comparaison
n’est pas nécessairement raison en la matière même si les pays
occidentaux produisent plus de déchets par tête d’habitant, ils ont de
meilleurs moyens, méthodes et organisations pour les traiter et en
réduire les risques potentiels.
À cela s’ajoute le comportement
approprié (fruit de plusieurs facteurs : éducation-formation,
information, développement socio-économique…) des citoyens de ces pays,
facilitant la tache aux structures chargées de la prise en charge des
déchets.
Par contre, ces pays-là ont par maintes fois opéré des
actions de transfert de quantités de leurs déchets dangereux vers les
pays du Tiers-monde, parfois avec la complicité des autorités locales
pas très soucieuses de la préservation de la santé de leur population
et de la protection de leur faune, flore et milieu naturel.
Il a fallu la réaction vigoureuse d’associations de protection de la nature, de promotion des droits de l’homme, et également de la médiatisation de ces criminels comportements pour qu’il y soit mis le holà. Malheureusement, ce n’est pas définitivement gagné.
Versons
sans ambages dans la contradiction. On parle de tri sélectif, de centre
d'enfouissement et pourtant, l'on continue à brûler des déchets
toxiques et même à importer le surplus, expédié “discrètement”, en
Afrique et en Asie, d'Europe et des États-Unis (respectivement 53
millions et 37 millions de tonnes de déchets dangereux par an)…
Cela pose des questions de rapports de force, de domination, de mondialisation, de globalisation, de sous-développement économique, de dépendance politique, de questions encore en suspens, de bonne gouvernance, de démocratie tout court.
Quelles solutions préconisez-vous pour réduire cette pollution ?
À
l’heure actuelle, il n’existe pas d’options peu coûteuses sans danger
pour l’environnement qui permettent d’éliminer les déchets dans de
bonnes conditions de sécurité.
L’incinération a été largement
pratiquée, mais d’autres solutions apparaissent peu à peu comme
l’autoclavage ou le traitement chimique ou par micro-ondes qui
pourraient être préférables dans certaines conditions.
L’enfouissement
peut également être une solution acceptable pour certains déchets si
les conditions de sécurité sont respectées.
Source : Liberté Algérie
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