Djazaïr Port World, la nouvelle joint-venture entre
l’EPAL et Dubaï Port World (DPW), prend les commandes du
terminal à conteneurs du port d’Alger en Algérie le
17 mars prochain. Un mois plus tard, la joint-venture entre DPW et
l’Entreprise portuaire de Djendjen entre en activité.
Qui y gagne, qui y perd ? Sommes-nous dans le modèle idéal et tant recherché d’un partenariat gagnant-gagnant ?
Les termes du débat sont connus. Pour ceux qui étaient hostiles à l’entrée de DPW, notamment le syndicat du port, il y avait des craintes pour l’emploi qui ont été apaisées. Non seulement le personnel sera maintenu, mais on risque dans l’immédiat d’avoir besoin de recruter.
Mais l’argument principal contre le partenariat était que l’EPAL gagne suffisamment d’argent et pouvait moderniser par ses propres moyens les équipements et les installations.
Le PDG de l’Entreprise portuaire d’Alger (EPAL), Abdelhak Bourouai, n’en disconvient pas mais il souligne que l’enjeu principal est bien ailleurs, dans l’acquisition d’une capacité managériale dont dispose DPW et surtout dans l’inclusion des ports d’Alger et de Djendjen dans le cadre d’une organisation performante.
Dans un entretien à l’hebdomadaire « Les Afrique », le PDG de l’EPAL confirme que l’entreprise aurait pu acheter seule des portiques et moderniser les équipements, mais, précise-t-il, elle ne dispose pas de « l’organisation » qui va avec.
« Nous n’aurions pas su les maintenir et les renouveler avantageusement. En fait, nous sommes hors réseau. L’économie mondiale est organisée en réseaux. Dubaï Port World nous apporte le sien, celui du 3e opérateur mondial dans les terminaux à conteneurs ».
Ce que Dubaï World Port apporte, qui fait à travers la joint-venture Djazaïr Port-World son entrée en Méditerranée, c’est cette organisation et ce management qui font défaut.
Djendjen, l’atout maître
L’entrée dans un réseau installé et rodé va permettre des gains appréciables, estime-t-il, en relevant qu’actuellement un fret Marseille-Alger coûte 40% plus cher qu’un Marseille-Tunis. Pourquoi ? Parce que les transports facturent la « non-performance du port d’Alger ».
L’apport de DPW va permettre d’aboutir à des déchargements de 20 à 25 conteneurs par heure contre 10 actuellement, soit le plus faible rendement en Méditerranée.
Conséquence, le coût du fret devrait baisser. Théoriquement, les Algérois devraient ressentir un effet visuel de ce management avec une réduction sensible du nombre de porte-conteneurs en rade au large du port, avec ce que cela implique en surestaries.
Le second apport de l’entrée de Dubaï, c’est la mise en valeur du port en eau profonde de Djendjen qui est pratiquement en sommeil. C’est sans doute l’atout maître en faveur de ce partenariat.
Le port d’Alger ne peut recevoir les nouvelles générations de porte-conteneurs en raison de problème de tirant d’eau et de longueur linéaire du quai.
La mise en exploitation du terminal à conteneurs de Djendjen va permettre de résoudre le problème. « Si nous n’avions rien fait, l’Algérie aurait dépendu du port de Tanger Med pour ses approvisionnements », explique le patron de l’EPAL, en relevant que Djendjen allait devenir le « futur port d’éclatement ». « Sans Djendjen, on ne trouvera pas de grands navires de 15.000 EVP pour venir chez nous ».
Pour rappel, la société Djazaïr Port World a été officiellement créée le 15 février avec un capital de 20 millions d’euros également répartis à 50-50 entre l’EPAL et Dubaï Port World.
La société bénéficie d’une concession de 30 ans sur le terminal à conteneurs. Dubaï Port en assure le management, tout en oeuvrant à algérianiser l’encadrement. Des investissements de 96,2 millions d’euros sont prévus, notamment les équipements et la mise en place d’un système de gestion informatique.
Quatre portiques devraient être achetés en 2010, ce qui entraînera un changement dans l’organisation du travail. Le PDG de l’EPAL admet que l’environnement administratif pourrait comporter un risque et empêcher de réduire l’accumulation des conteneurs sur les terre-pleins.
Mais il se dit « confiant » en donnant l’exemple du port de Bejaïa, donné en partenariat avec une entreprise de Singapour où les performances sont bien
« C’est un management différent, ce sont des privés qui sont attentifs à ne pas perdre de l’argent en perdant du temps. Ils sont plus agressifs pour faire bouger leurs vis-à-vis de l’administration. La même chose va arriver au terminal d’Alger ».
Côté emploi, non seulement il n’y aura pas de licenciements, mais, dit-il, EPAL doit fournir 660 travailleurs à Djazaïr PW. « Je ne suis pas certain d’avoir tous les profils recherchés. En fait, le terminal va devoir recruter ».
Mais il est évident que dans la durée, les effectifs vont se réduire en raison de l’amélioration des rendements. Il n’y aura pas de licenciements mais les départs à la retraite ne seront pas remplacés.
« La réduction d’effectif est un processus naturel de la modernisation des équipements et de l’organisation. Nous sommes aujourd’hui en retard dans les qualifications requises dans un terminal moderne.
Dubaï Port World se chargera de la mise à niveau. Le niveau de compétence du travailleur portuaire va s’élever ».
Quant à la procédure de gré à gré utilisée pour l’octroi de la concession à DPW, le directeur de l’EPAL la justifie en faisant valoir que dans le cas d’espèce, on avait « l’avantage de la confiance entre les deux Etats algérien et émirati et la volonté d’aboutir.
Dubaï Port World était absent de la Méditerranée et nous avions besoin d’un gros partenaire qui nous introduise dans le circuit du monde. Je crois vraiment que c’est un accord gagnant-gagnant ».
En tout cas, les amarres sont bien larguées et on verra à l’oeuvre si le partenariat « modèle » tiendra ses promesses.
Source : El Annabi
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